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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/471

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LE
SCEPTICISME MODERNE

PASCAL ET KANT

Le Scepticisme. — Énésidème, Pascal, Kant, par Émile Saisset ; Paris 1865.

Il est remarquable que les deux puissances les plus affirmatives et les plus dogmatiques qu’il y ait sur la terre, je veux dire la théologie et la science, aient l’une et l’autre un secret penchant pour le scepticisme dans les matières qui sortent de leur domaine. L’une et l’autre, dont l’accord est si difficile sur tout le reste, s’entendent assez volontiers dans leur défiance commune envers la philosophie. Fières toutes deux du critérium d’absolue vérité qu’elles croient posséder, elles regardent avec dédain les tentatives incertaines et toujours renouvelées des métaphysiciens et des philosophes, et souvent elles se sont liguées contre la prétention de la raison humaine à pénétrer par ses seules forces les mystères de l’invisible.

Le théologien, appuyé sur la base solide d’une autorité extérieure, ou, même à défaut de cette autorité, qui assez souvent peut chanceler, sur un critérium tout intime, supérieur à tout contrôle et à toute discussion, la foi, — le théologien, dis-je, si éclairé qu’il soit, ne peut se défendre d’un sentiment de pitié pour ceux qui, sans autre gouvernail que la raison, osent braver l’océan des opinions humaines, et croient pouvoir s’y diriger avec assurance. Je ne dis pas sans doute que la théologie enseigne dogmatiquement le scepticisme philosophique, car je sais au contraire qu’elle