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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/505

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l’organe de M. de Boissy, elle a le mauvais goût de trop souvent rappeler à son présent mari les qualités de ses défunts époux ; qu’y a-t-il-de plus comique que M. de Boissy parlant de sa fidélité aux régimes anciens et provoquant chez les sénateurs, qui ne veulent pas lui laisser le privilège de ce mérite, des explosions de fidélité rétrospective envers les gouvernemens passés en face du mari vivant ? Qu’y a-t-il de plus inattendu que cet impassible orateur faisant jaillir cette apostrophe de la bouche d’un de ses vieux collègues : « Nous ne nous conduirons pas comme le sénat de 1814 ? » Enfin il est pour nous inexplicable que M. de Boissy ait réussi a passionner le sénat au point de lui faire répéter d’avance en quelque sorte, avec une émotion louable sans doute, mais de la façon la plus intempestive et la plus déplacée la scène de la transmission de la couronne. On comprendrait le soulèvement enthousiaste d’une assemblée en face d’un grand et éloquent factieux qui viendrait braver fièrement devant elle la loi du pays et le sentiment dynastique ; mais nous n’aurions jamais imaginé que M. de Boissy pût mériter une si tempétueuse réponse. Le turbulent orateur a prodigué en même temps à l’empereur et au gouvernement parlementaire les témoignages de son admiration et de son dévouement. Ses protestations parlementaires ne sont pas plus de notre goût que ses protestations impérialistes n’ont été du goût du sénat : les parlementaires repoussent les unes comme le sénat a repoussé les autres. Cependant, si nous faisions partie de l’auditoire de M. de Boissy, nous lui refuserions la satisfaction de nous avoir pour interrupteurs. Nous l’écouterons peut-être quand ses éloges s’adresseraient aux idées de nos adversaires ; nous nous boucherions les oreilles quand il dirait des douceurs aux nôtres. Nous serions vraiment trop confus, si nous lui accordions le pouvoir de nous impatienter et de faire sortir de son tempérament une assemblée sérieuse.

Les débats graves n’ont commencé au sénat que dans la dernière séance qui nous soit connue. Cette séance a été remplie par un important discours de l’honorable M. Rouland, L’ancien ministre de l’instruction publique et des cultes a vigoureusement attaqué les questions soulevées par l’encyclique et la publication du Syllabus. M. Rouland, au point de vue de la doctrine sur les rapports de d’église et de l’état s’en tient à la vieille tradition du gallicanisme parlementaire : au point de vue des faits, sa discussion a été nourrie d’informations intéressantes et curieuses, qu’il a présentées avec une rare netteté et sans tenir compte des réserves diplomatiques. Nous n’avons jamais dissimulé les raisons historiques et politiques qui nous empêchent d’embrasser les doctrines gallicanes professées aujourd’hui par les orateurs officiels. Il ne nous parait ni équitable ni pratique de vouloir appliquer à la situation présente de l’église la vieille tradition du gallicanisme. Le concordat de Napoléon, qui n’a été qu’un expédient temporaire, n’a pas pu faire rétrograder la France jusqu’au véritable régime ecclésiastique, antérieur à 1789, sur lequel les idées gallicanes