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mystères. On recherche les autographes, on poursuit avec avidité les documens. L’histoire n’est plus cette forme académique, souvent déclamatoire, dont la beauté de convention conservait une certaine raideur ; c’est comme un vaste miroir où se reflète tout le passé. Sans doute, dans cette foule innombrable de pièces justificatives, dans ces éditions de livres anciens rajeunis par des notes substantielles, dans ces mémoires qui remontent à plus d’un siècle, et qui cependant n’avaient pas vu le jour, il y a des choses d’un intérêt secondaire, et la vie humaine n’est pas assez longue pour qu’on puisse étudier fructueusement des détails aussi minutieux. Ce sera la tâche des historiens futurs de coordonner l’ensemble de ces documens, d’y puiser comme à une source féconde, de rejeter dans l’ombre ce qui n’est pas digne de la lumière, et de rendre sur le siècle dernier un jugement sans appel.

Le règne de Louis XV n’est pas encore envisagé avec le calme et l’impartialité nécessaires. Les uns le flétrissent en toute chose avec une verve de colère souvent exagérée ; d’autres, entraînés par l’excès contraire, essaient des réhabilitations malencontreuses, et cherchent à déguiser, à parer de leur mieux des scandales pour lesquels l’histoire doit être impitoyable. Avec un peu de justice et de sang-froid, on arriverait à des conclusions plus équitables : on trouverait dans cette époque, comme dans toutes les autres, beaucoup de vices, mais quelques vertus. Malheureusement ce qu’on a le plus étudié dans ces dernières années, c’est le côté scandaleux. On s’est minutieusement occupé des maîtresses du roi, on a décrit leurs toilettes, on a dressé l’inventaire de leurs objets d’art, de leur mobilier, on est revenu sans cesse à la duchesse de Châteauroux, à la marquise de Pompadour, à la comtesse Du Barry ; mais on oubliait une femme que les péripéties de son sort, la dignité de sa résignation dans les malheurs domestiques, le charme de son esprit et la beauté de son âme recommandaient cependant à l’intérêt et à la sympathie de la postérité. De récentes publications ont comblé cette lacune. On n’avait que trop parlé des maîtresses, il était temps qu’on se souvînt de la femme légitime, de la reine. Un ouvrage à la fois gracieux et substantiel de Mme la comtesse d’Armaillé vient de rappeler l’attention sur Marie Leczinska ; sous une forme rapide. Mme d’Armaillé a tracé, avec l’exactitude d’un historien et la délicatesse d’une femme, le portrait de sa vertueuse héroïne ; elle a trouvé une source abondante d’informations dans les mémoires du duc de Luynes, dont la publication ne fait que de s’achever. Ces mémoires si importans et si curieux, qui commencent le 27 décembre 1735, peu de temps après la nomination de la duchesse de Luynes à la charge de dame d’honneur de la reine, et finissent le 20 octobre 1758, quelques jours avant la mort de l’auteur, restèrent pendant un siècle tout à fait inconnus. L’existence en fut signalée pour la première fois en 1855 par la publication de ceux du président Hénault, et les premiers volumes ne virent le jour qu’en 1860.