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traire de repos après tant d’agitations, si pleins de respect et de docilité, peut-être exagérée, envers un pouvoir dont ils avaient tout à espérer et tout à craindre. Ce furent, pourquoi le dissimuler ? les hauteurs intraitables et les brusqueries méprisantes de l’empereur qui amenèrent le conflit, et l’envenimèrent bientôt jusqu’à la plus violente irritation ; mais cette ignorance volontaire ou affectée des procédés qu’il convient de prendre quand on traite avec une puissance dont la force est toute morale n’était pas nouvelle chez lui : il en avait fait parade en 1801. Le germe des fautes irréparables commises en 1810 et dans les années qui suivirent se découvre déjà, quoique à un plus faible degré, mais se découvre toutefois dans les façons d’agir du négociateur du concordat. Pareils excès, qu’expliquaient alors sans les absoudre les habitudes contractées au milieu des camps pendant la période révolutionnaire, ne sont plus à redouter de personne aujourd’hui, grâce à la douceur croissante de nos mœurs. Cependant, comme le propre des redoutables et délicates questions qui s’agitent entre l’église et l’état est de s’enchaîner les unes aux autres par un lien fatal et de s’aigrir par la durée même de la discussion, nous pensons que, de ce côté encore, il y a des écueils à éviter, des précédens dont il faut se garder. Les dangers dont nous parlons ne sont nulle part mieux signalés que dans les mémoires du cardinal Consalvi. C’est pourquoi nous n’entreprenons peut-être pas une tâche tout à fait inutile en essayant de raconter, grâce à son aide et avec le secours de quelques autres acteurs et témoins de cette même époque, d’abord les scènes intérieures du conclave tenu à Venise en 1800, — puis les épisodes qui accompagnèrent ou qui suivirent les négociations du concordat.


I

Au moment de la mort de Pie VI à Valence (fin d’août 1799), l’Italie était de nouveau perdue pour la France. les Autrichiens, conduits par Mélas, les Russes, commandés par Souvarov, nous avaient successivement repoussés des bords de l’Adige jusque sur les Apennins. Macdonald, accouru de Naples pour se joindre à Moreau dans les plaines de Plaisance, avait été battu sur la Trebbia. Joubert avait été défait et tué à la sanglante journée de Novi. De toutes les brillantes conquêtes du général Bonaparte, parti pour l’expédition d’Égypte, il ne nous restait plus que Gênes, bloquée en ce moment par le général en chef des troupes autrichiennes. Rien n’aurait donc, à la rigueur, empêché le sacré-collège de se réunir à Rome, évacuée par nos soldats ; mais le cardinal-doyen habitait alors la Vénétie, où résidaient également le plus grand