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Loin de moi la pensée de comparer la position actuelle du sacré-collège vis-à-vis de l’empereur Napoléon III ou du roi Victor-Emmanuel à celle des cardinaux qui s’étaient rassemblés dans les états vénitiens sous la protection du chef de l’empire d’Allemagne ! On aperçoit d’abord les différences ; elles sautent aux yeux. Cependant, à parler de bonne foi, je ne conseillerais pas au gouvernement français, dont les soldats monteraient la garde aux portes du Quirinal, non plus qu’au gouvernement italien, dont les sentinelles, en toute hypothèse, n’en seraient pas bien loin placées, de perdre entièrement le souvenir de ce qui s’est passé à Venise, en 1800, dans le monastère de Saint-George. Reportant mes regards en France et sur nos propres affaires, je suis à mille lieues de m’imaginer que le concordat ait fait son temps, quoique, à vrai dire, il soit un peu usé à la suite de tant de frottemens survenus entre l’église et l’état. Je ne crois pas davantage qu’on soit à la veille d’y retoucher, encore moins en disposition de s’en affranchir soit à Rome, soit à Paris. Toute la poussière soulevée présentement autour de ces questions n’empêche pas les yeux clairvoyans de discerner les dispositions véritables du gouvernement français et du clergé catholique. Leurs dissentimens sont, nous le croyons, beaucoup plus apparens que réels et, beaucoup plus bruyans que sérieux. Il en existait de bien autres et de plus menaçans entre le saint-siège et le premier consul au moment même où le cardinal Consalvi signait le traité solennel qui avait pour but de réconcilier la papauté avec la France moderne. Dans les années qui suivirent, le désaccord, tacite il est vrai, déguisé avec soin, habilement caché à tous les regards, s’agrandit démesurément, et porta sur des points qui touchaient aux matières de foi les plus graves. Si la publicité avait été alors ce qu’elle est de nos jours, si les guerres terribles des dernières années de l’empire n’avaient absorbé l’anxieuse attention de toutes les classes de la société, nul doute que la rupture n’eût éclaté. Peu s’en est fallu que nos pères n’aient vu se produire avant la restauration, dans le domaine sacré de la conscience, un de ces troubles poignans dont l’effroyable épreuve, entrevue seulement de nos jours par de trop vives imaginations, sera, je l’espère, épargnée à la présente génération.

D’où provint cependant la funeste division entre deux pouvoirs si intéressés à s’entendre ? On ne saurait la mettre au compte de Pie VII, si porté par goût vers l’empereur, si empressé à lui donner des preuves répétées de son attachement, de sa résignation et de sa complaisance ; il ne serait pas moins injuste de l’imputer aux évêques de cette époque, si éloignés de professer les doctrines ultramontaines, redevenues aujourd’hui à la mode, si avides au con-