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château Saint-Ange et dans toute la ville de Rome le drapeau napolitain. Ils apposaient le sceau de sa majesté italienne sur les portes fermées du Quirinal et du Vatican. Les décrets de leur général en chef, le prince d’Aragon, étaient rendus au nom du roi de Naples. Le nom du souverain pontife y était complètement omis. Ordre était donné de ne reconnaître d’autres pouvoirs que ceux du roi Ferdinand. Toute l’administration romaine avait été mise à néant et refondue sur le modèle de celle de Naples.

Les premiers indices de l’ambition autrichienne furent l’invitation adressée au saint-père de se rendre immédiatement à Vienne, et la demande non moins instante de vouloir bien choisir pour secrétaire d’état un certain cardinal Flangini, Vénitien, et par conséquent sujet de sa majesté impériale. Pour obtenir ces deux objets des vœux ardens de son cabinet, le cardinal Herzan ne négligea ni les insinuations ni les démarches ; il les redoubla incessamment jusqu’au point d’en fatiguer le saint-père. Pie VII refusa avec douceur, mais sans hésitation. Ses devoirs de pasteur et de souverain ne lui permettaient pas, disait-il, d’ajourner plus longtemps son départ pour Rome. Quant au choix d’un secrétaire d’état, pourquoi le tant presser ? Il n’avait pas encore d’états. Provisoirement, il se servirait, pour ses communications avec les cours étrangères, du prélat secrétaire du conclave. L’Autriche était déjouée dans toutes ses prétentions. Alors arriva de Vienne à Venise, en qualité d’envoyé de l’empereur près sa sainteté, un homme tout fraîchement imbu des conversations de M. de Thugut, et qui avait mission de laisser voir à découvert la véritable pensée du cabinet autrichien. C’était un Bolonais, simple employé de la chancellerie impériale, nommé Ghislieri. Le marquis Ghislieri s’ouvrit d’abord au prélat secrétaire de Pie VI, et lui dit que l’empereur était très disposé à rendre au saint-père les provinces occupées récemment par ses armes, à l’exception toutefois des légations de Ferrare, de Bologne et de Ravenne. Ces trois provinces cédées aux Français n’appartenaient plus au saint-siège, et la chancellerie impériale demandait une nouvelle cession confirmative de celle de Tolentino. Consalvi, qui n’avait plus rien à apprendre sur les desseins de l’Autriche, fut toutefois étonné de l’audace qu’on mettait à oser les lui déclarer en face. Il répondit qu’il prendrait les ordres de sa sainteté, tout en prévenant l’envoyé autrichien qu’il n’eût pas à se créer des chimères, et que jamais Pie VII ne prêterait la main à une semblable transaction.

Grande fut la colère de Ghislieri quand le prélat secrétaire lui rapporta peu de jours après la réponse la plus négative. Il fit alors connaître ce que, dans la prévision d’un semblable refus, on lui avait enjoint de proposer comme le dernier arrangement auquel le