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grandeur et d’éclat, et d’ailleurs trop rapprochés de nous pour qu’on puisse les idéaliser, c’était déjà faire acte d’un réalisme fort exagéré. Que cette histoire fût retracée allégoriquement ou par des scènes tirées de la vie des peintres, ou encore, comme l’artiste a préféré le faire, par une combinaison des deux procédés, cela devait être également mauvais. Kaulbach l’a senti tout le premier sans doute ; aussi ne s’est-il jamais donné si peu de peine dans la composition, et n’a-t-il jamais mis tant de négligence dans l’exécution. Qu’on s’imagine les peintres, les sculpteurs et les architectes de notre siècle représentés avec leurs habits noirs, leurs robes de chambre vertes ou leurs paletots noisette. Certes, dans un tableau de genre, il est permis de montrer tout le désordre d’un atelier, et l’effet produit peut être très pittoresque ; mais placer de pareilles scènes sur les murs d’un édifice public, où l’on s’attend à trouver quelque chose de sublime et de grandiose, c’est tomber dans le ridicule. On est tenté de croire que le peintre a voulu se moquer de l’école dont on lui avait confié l’apothéose. Dans cette caricature qui représente le Combat contre le mauvais goût, il semble qu’il ait entrepris de montrer lui-même où peuvent mener les exagérations de l’école de Cornélius ; peut-être encore a-t-il voulu mettre en pratique le précepte de certains romantiques, de Solger et de Frédéric Schlegel, qui considèrent l’ironie comme le principe le plus élevé de l’art, comme le moment où l’artiste devient tellement maître de sa matière qu’il joue librement avec elle. Il n’en est pas moins regrettable pour la gloire de Kaulbach que ces fresques soient, de toutes ses œuvres, celles qui se trouvent le plus en évidence ; elles ôtent à un grand nombre de touristes mal renseignés l’envie de s’enquérir de ses autres ouvrages, et plus d’un est revenu d’Allemagne persuadé que le peintre n’avait jamais rien fait de mieux. Soyons plus juste et passons vite devant cette mauvaise plaisanterie, ainsi que devant quelques autres allégories, productions de jeunesse et de commande que l’on voit encore à Munich sous les arcades du jardin de la Résidence : il est temps que nous arrivions aux chefs-d’œuvre.

Deux grandes qualités dominent chez Kaulbach : la première, c’est l’esprit, quelque chose de fin, de vif, d’ingénieux et de moqueur qui tient le milieu entre l’esprit français et l’humour britannique, moins gai que l’un, moins enclin que l’autre à la tristesse et au sarcasme ; la seconde, c’est l’amour du beau, qui lui a donné toutes les perfections qui manquaient précisément à Cornélius. La correction du dessin, la richesse d’un coloris qui forme contraste avec celui d’Overbeck et de l’école allégorique, une connaissance profonde de la technique de la peinture et une admirable fécondité achèvent de placer Kaulbach au premier rang parmi les représentans