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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/655

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raffinée. Le terrible Attila est porté par les siens sur un bouclier. La victoire est laissée indécise : si une partie de l’armée romaine serre vigoureusement les barbares, l’autre plie sous leurs efforts. Ce tableau fantastique et plein de feu est d’un puissant effet. Les groupes, disposés en couronne de manière à encadrer la vue lointaine des remparts de Rome (ou de Châlons suivant quelques-uns), sont de la plus grande beauté.

La cinquième fresque représente les Croisés arrivant sous les murs de Jérusalem. Dans le ciel apparaît Jésus-Christ ; Godefroy de Bouillon tend vers lui la couronne de Jérusalem. Du haut d’une colline, des chevaliers, des évêques, des prêtres contemplent la ville sainte. Au premier plan, Pierre l’Ermite à genoux est entouré de pénitens et de flagellans. La belle Armide, assise sur une litière, est portée par des Mores et conduite vers la ville par Renaud. Dans ce tableau, Kaulbach a combiné les données de l’histoire avec celles de la poésie.

La dernière peinture est le Siècle de la Réforme. Par l’exécution, c’est une œuvre magnifique ; la conception n’en est pas moins entachée d’un vice capital. Comme toutes les productions de Kaulbach, celle-ci excite l’admiration avant d’être comprise ; mais une attention soutenue y fait découvrir de graves défauts. Elle mérite une description détaillée. Tous les grands hommes qui ont joué un rôle dans le double mouvement de la réforme et de la renaissance se trouvent réunis dans ce tableau. À droite est un groupe dominé par l’idée de la tradition antique ; ce groupe est lui-même subdivisé en deux autres, dans le haut les artistes, et au premier plan les poètes, les philosophes, les érudits. Ces derniers sont assis au milieu de débris de statues grecques, ou s’appuient sur un sarcophage orné d’un bas-relief symbolique sur lequel est représenté Prométhée sculptant le premier homme, tandis que Minerve lui présente une âme sous la forme d’un papillon. Pic de la Mirandole apporte des manuscrits ; Pétrarque a ouvert un Homère qu’il montre à Shakspeare, à Cervantes et au jurisconsulte français Dumoulin. Erasme s’avance en robe de professeur, un volume de Cicéron à la main, l’ironie sur les lèvres ; Reuchlin l’accompagne. Autour d’eux se pressent les adversaires de la scolastique, parmi lesquels on distingue Ulrich de Hutten, Marsile Ficin, Nicolas de Cusa, Vivès, Machiavel et Campanella. Un peu à l’écart se tiennent deux poètes allemands, le célèbre cordonnier Hans Sachs et Jacob Balde, l’Horace bavarois. Dans le groupe des artistes, Albert Dürer travaille à son célèbre portrait de l’apôtre saint Paul ; son préparateur de couleurs, qui n’est autre que Kaulbach lui-même, vient lui annoncer la visite de Michel-Ange, de Léonard de Vinci et de Raphaël, tenant à la main le carton de son École d’Athènes. Auprès d’eux, on remarque