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en effet compte avant l’arrivée des pasteurs quatôrze dynasties formant un total de deux mille huit cents ans. Quand on a soigneusement réfléchi sur les listes des rois trouvés à Abydos, à Thèbes, à Sakkara[1], cette assertion n’a rien qui surprenne. Manéthon n’étant en défaut sur aucun des points où l’on peut le contrôler, pourquoi rejeter son témoignage sur cette partie ? Je ne nie pas cependant que des réductions plausibles en apparence ne puissent ici être proposées. Plusieurs savans croient qu’il est possible que Manéthon ait présenté comme successives des dynasties partielles simultanées : possible, assurément ; mais des faits presque démonstratifs établissent que cela n’est pas.

Et d’abord, dans la partie de la liste de Manéthon qui se rapporte aux temps postérieurs à l’invasion des pasteurs, nulle trace des dynasties simultanées présentées comme successives. Pour cette partie, nous avons le contrôle perpétuel des historiens grecs, hébreux, et des textes hiéroglyphiques. Loin que Manéthon, dans cette partie, cède au penchant d’allonger sa liste en mettant bout à bout des dynasties simultanées, on le voit au contraire suivre dans la formation de son canon royal un principe strictement « légitimiste, » c’est-à-dire qu’il n’admet à un moment donné qu’une seule dynastie légitime, même quand il y en a eu d’autres tout aussi réellement existantes. Manéthon, en d’autres termes, a déjà fait sa réduction, et ce qu’il nous présente n’est qu’une liste réduite, à peu près comme la liste classique des rois de France à l’époque mérovingienne omet des rois tels que Gontran, qui ont aussi bien régné que Clotaire ou tout autre, mais qui ne sont pas nécessaires pour dresser une série ne laissant aucun vide, ou bien encore de même que la liste des papes, selon le système ultramontain, exclut les papes de l’obédience française. Ce qui prouve que Manéthon procéda bien de la sorte, ou, pour mieux dire, que la série officielle des anciens rois, acceptée du temps des Ptolémées, avait subi toute sorte d’éliminations, c’est que les différentes listes de rois que nous possédons en caractères hiéroglyphiques, et en particulier la plus importante de toutes, la nouvelle liste que M. Mariette a récemment découverte à Abydos, contiennent un grand nombre de rois dont il n’y a pas de trace dans Manéthon. Nous en avons une autre preuve pour l’époque des pasteurs. Durant la domination de ces étrangers, il se conserva dans diverses

  1. Ces listes sont au nombre de cinq : le papyrus de Turin, la salle des Ancêtres de Touthmès III à la Bibliothèque impériale à Paris, la première table d’Abydos au Musée britannique, la table de Sakkara au musée de Boulaq, enfin une nouvelle table tout récemment découverte dans le grand temple d’Abydos par M. Mariette, et qui est encore à sa place primitive.