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exploits à la tête de leur contingent, obtinrent une faveur qui n’était que fort rarement accordée aux habitans de la Gaule chevelue : ils reçurent le titre de citoyens romains.

Au moment où Jules César attaqua l’indépendance celtique, une partie de l’aristocratie gauloise avait déjà commencé à se laisser gagner par le goût du bien-être et l’amour du luxe. On voit par les Commentaires que, dans beaucoup de cités, tandis que le peuple voulait résister à outrance et se déclarait prêt à tous les sacrifices, la haute classe, après les premiers échecs, apportait des entraves à la défense, recherchait la faveur du proconsul, et se résignait sans trop d’effort à l’assujettissement, déguisé sous le nom d’alliance et d’amitié. Après la conquête, comme on pouvait s’y attendre, cette disposition devint plus marquée, et ce changement plus sensible. Les officiers civils et militaires envoyés par l’empereur, les négocians italiens qui marchaient toujours sur les traces des armées romaines, donnaient aux riches gaulois l’idée et l’exemple d’un nouveau genre de vie et de jouissances qui leur avaient été inconnues jusqu’alors. La politique, les affaires, la curiosité, avaient poussé beaucoup des principaux personnages de la Gaule transalpine à faire le voyage de la Province, comme on appelait d’un seul mot la Narbonnaise, déjà toute latinisée ; d’autres avaient été jusqu’à Rome et avaient contemplé de près, non sans admiration, les splendeurs de cette cité superbe, où s’élevaient alors, par l’ordre d’Auguste et sous sa direction, tant de somptueux édifices. Les Gaulois, partout où ils s’étaient trouvés en présence d’une civilisation supérieure, ou du moins d’une société plus riche et plus raffinée, mieux pourvue d’arts variés et plus savante en plaisirs, s’étaient toujours laissé facilement séduire par ce spectacle, et s’étaient montrés imitateurs empressés et habiles des talens et des vices de leurs voisins ; tout ce qui charmait les sens, tout ce qui flattait les yeux, tout ce qui divertissait l’esprit, les avait bien vite tentés et conquis. Il en fut ici comme dans la Gaule méridionale et comme dans la Gaule asiatique : la fusion se fit avec une singulière rapidité. Tous ceux qui avaient quelque fortune voulurent, pour l’augmenter, entrer en relation avec les nouveau-venus, et, pour en mieux jouir, se mettre à leur école et s’initier à leurs arts. Il y eut donc redoublement d’activité et surexcitation de toutes les forces. La hache fit de grandes trouées dans les bois, la culture s’étendit et se perfectionna. Les chaussées que les ingénieurs romains conduisaient à travers marécages et forêts, les ponts qu’ils jetaient sur les rivières, permirent d’amener plus facilement à la ville les produits des vergers et des champs. Sollicitée par le commerce, l’industrie prit naissance. Les débouchés ne manquaient pas aux producteurs. Sous Auguste et Tibère,