Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/720

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bain, un théâtre, un hippodrome, paraît bien mériter le nom sous lequel il est généralement connu à Trèves, celui de basilique de Constantin. Ce serait, selon toute apparence, cette demeure de la justice, sedes justitiœ, dont parle avec admiration le rhéteur Eumène, et que Constantin, selon lui, aurait élevée « jusqu’au ciel et jusqu’aux astres qu’elle était digne d’atteindre[1]. » La basilique était extérieurement revêtue d’un enduit qui portait des peintures ; sur un fragment de fresque retrouvé il y a quelques années, on voit des enfans parmi des arabesques, motif bien agencé et d’un mouvement agréable. Malgré cette décoration, ils ne durent jamais flatter beaucoup le regard ces grands murs unis percés de deux rangs de fenêtres encadrées entre d’assez lourds contre-forts.

Intérieurement, l’effet devait être plus heureux, autant que l’on peut en juger par les admirables basiliques de Rome et par la restauration qu’a fait entreprendre ici le gouvernement prussien, et qui est maintenant achevée. L’ancien tribunal sert aujourd’hui d’église luthérienne. La muraille occidentale existait presque dans toute sa hauteur ; la muraille orientale n’a été détruite qu’au siècle dernier par les archevêques de Trèves, qui avaient compris cette ruine dans leur palais ; enfin quelques restes de soubassemens ont fait retrouver les dimensions de l’abside. Ce qui a manqué pour que l’édifice retrouvât sa première splendeur, ce sont les matériaux précieux, dont l’emploi aurait été trop dispendieux ; ainsi on n’a pas rétabli le beau pavé de marbre noir, blanc et rouge, mêlé à du porphyre vert, dont on a ramassé les débris et relevé le dessin dans le vestibule. Sur les parois internes, des peintures ont aussi remplacé les revêtemens de marbre. À cela près, la restauration paraît avoir été bien entendue, et semble reproduire assez fidèlement l’aspect primitif du monument. Une charpente apparente, peinte d’un ton de chêne, supporte la toiture. L’œil, que rien n’arrête dans cette vaste salle, atteint tout d’abord la spacieuse abside, au-dessus de laquelle s’arrondit une demi-coupole. Cette abside est élevée sur plusieurs degrés ; l’autel marque le milieu. Derrière la place qu’il occupe se dressait, adossé au fond de la basilique, ce siège du magistrat où l’évêque s’est assis quand le christianisme s’est emparé des basiliques, moins souillées à ses yeux que les temples, et les a consacrées au Dieu Unique, au juge miséricordieux et redoutable, au rémunérateur suprême. Par un singulier hasard, la basilique de Trèves devait attendre quinze siècles avant d’être convertie en église ; nous ne voyons pas qu’au moyen âge elle ait jamais reçu cette destination. Sous le nom de Palatium

  1. La muraille occidentale, tout entière antique, a 75 mètres de longueur et 32 de hauteur.