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plusieurs états du royaume ; il affirmait que, si l’ordre de succession était cognato-agnatique dans les îles et le Jutland septentrional il n’était par contre que purement agnatique dans le duché du Slesvig, qui, sous ce rapport aussi devait partager « les destinées futures » du Holstein. Les simples et les candides parmi les Danois ne comprirent d’abord rien au but de toute cette discussion, et ils crurent devoir charitablement prévenir les Allemands que leur ingénieux distinguo pourrait bien ne tourner qu’au profit de l’empereur Nicolas, qui n’avait déjà que trop de titres à faire valoir éventuellement comme descendant des Gottorp ; mais l’énigme s’éclaircit pour tout le monde alors qu’en 1837 parut à Halle une brochure anonyme sur la succession dans le Slesvig-Holstein. Cette succession dans les « duchés unis, » la brochure la revendiquait (dans l’éventualité, alors déjà très probable, de l’extinction de la ligne directe de la maison royale du Danemark) pour le duc Christian-Auguste d’Augustenbourg, beau-frère du roi régnant Frédéric VI. On ne tarda pas non plus à savoir que l’auteur du pamphlet ou plutôt du manifeste anonyme n’était autre que le duc d’Augustenbourg lui-même… Tous les voiles sont loin encore d’être levés sur la ténébreuse conduite tenue par le duc Christian et son frère, le prince Frédéric de Noer, pendant l’époque qui précéda la révolte de 1848 ; mais ce qu’on en sait déjà maintenant suffit, et au-delà, pour constater la félonie la plus patente qu’ait jamais eu à enregistrer l’histoire. Les papiers d’état publiés depuis par le gouvernement danois[1] prouvent, jusqu’à la dernière évidence, que les deux princes n’avaient cessé, dès l’origine, d’entretenir avec les meneurs du slesvig-holsteinisme les relations les plus intimes, d’alimenter l’agitation et de lui inspirer les plus décisives démarches, En même temps ils profitaient de la haute position qu’ils occupaient auprès du trône, de la faiblesse du roi envers des parens si proches, des assurances toujours renouvelées de loyauté et de dévouement, pour détourner le gouvernement de toute mesure prévoyante et préventive, pour recommander et obtenir la tolérance la plus excessive, la plus injustifiable, envers un mouvement dont ils se présentaient comme les habiles modérateurs. « Je reconnais pleinement, écrivait encore en date du 14 juillet 1845 le prince Frédéric de Noer au roi Christian VIII, je reconnais pleinement qu’il n’y a point d’état nommé Slesvig-Holstein, mais il me semble indifférent que tel journal l’affirme… »

  1. Surtout une collection de lettres saisies en 1848 dans le château des Augustenbourg, et dont de curieux extraits ont été publiés par M. C.-F. Wegener, directeur des archives, dans l’important ouvrage : Ueber das Verkältniss der Hersoge von Attgustenburg zum holsteinischen Aufeuhre ; Copenhague 1849.