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qu’avaient tenue avant lui lord Malmesbury et lord Palmerston. Il recommandait au Danemark la patience, la circonspection, et à l’occasion les sacrifices les plus pénibles ; mais en même temps il ne se lassait pas de faire aux cours allemandes de très vertes semonces sur leurs prétentions et empiétemens injustifiables. — Résumons pour la dernière fois ces prétentions germaniques et établissons-en la valeur. Au point de vue du droit international et des traités, elles n’en avaient aucune. La fameuse théorie de « l’union des deux duchés, » la théorie du slesvig-holsteinisme, n’ayant pas triomphé en 1852, ayant même été expressément abandonnée alors[1] la confédération n’avait pas l’ombre d’un droit écrit à invoquer pour une ingérence dans le Slesvig, et quant au Holstein, le gouvernement de Copenhague se gardait bien d’y donner sujet à une plainte sérieuse quelconque. À défaut de tout traité, l’Allemagne se prévalait donc des « éclaircissemens » fournis en 1851 par le ministère danois sur le régime futur dans les duchés, sur « l’intention » du roi de ne pas incorporer le Slesvig et de proclamer une constitution commune à tous les états de la monarchie. Ce terme Erläuterungen (« éclaircissemens »), les diplomates germaniques s’ingéniaient à le supplanter dans leurs factums par celui de Erklärungen, qui signifiait à la fois « explications » et « déclarations ; » à la suite et sous leur plume toujours glissante, les « déclarations » devenaient des « engagemens » (Verpflichlungen), des engagemens formels, solennels, sacrés, — des stipulations ! Mais outre que ces « explications » n’en demeuraient pas moins de simples pourparlers ministériels dépourvus de tout caractère juridique et obligatoire, le roi Frédéric VII s’y était conformé dans la mesure du possible et selon toute la rigueur de la lettre, sinon de l’esprit. Il n’avait pas incorporé administrativement le Slesvig, et quant à la constitution commune, il l’avait promulguée dès le 2 octobre 1855 ; mais l’essai avait été démontré si impraticable au bout de deux ans que la diète fédérale elle-même en avait demandé (2 novembre 1858) et obtenu la suspension pour le Holstein et le Lauenbourg. Il est vrai qu’après avoir exigé eux-mêmes la séparation qui venait de s’accomplir, les Allemands sommaient derechef le gouvernement de Copenhague de présenter une nouvelle constitution commune, capable de les satisfaire : c’était là procéder sans ambage à l’assujettissement définitif de la monarchie Scandinave aux volontés du Bund étranger,

  1. « Le gouvernement impérial reconnaît absolument au roi de Danemark le droit d’annuler l’ancienne union entre le Slesvig et le Holstein en ce qui regarde l’administration et la justice ; il reconnaît également le principe que l’autorité de la diète fédérale et la compétence de la diète ne peuvent avoir aucune force sur un pays n’appartenant pas à la confédération… » (Dépêche du prince Schwarzenberg du 20 décembre 1851.)