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la Prusse ne permettaient guère de croire que les Allemands s’entendissent pour une action commune dans une entreprise qui n’était pas certes dépourvue de dangers, et le cabinet de Saint-James eut d’autant plus lieu d’espérer en une solution pacifique, que la réponse danoise à la sommation fédérale venait d’arriver, et était rédigée dans le ton le plus conciliant. En effet, tout en se déclarant « hors d’état de révoquer l’ordonnance du 30 mars, » le cabinet de Copenhague, dans sa note du 27 août, laissait la porte ouverte aux négociations ; il était prêt à donner à la diète fédérale « toutes les explications qu’elle pourrait désirer » sur les différentes dispositions de l’ordonnance tant incriminée.

Le comte Russell se trompait néanmoins. Cet antagonisme même de la Prusse et de l’Autriche, pendant et après la journée des princes à Francfort, devait avoir précisément pour effet de stimuler leur action dans l’affaire des duchés. C’était une lutte d’influence et d’hégémonie en Allemagne entre la cour de Vienne et celle de Berlin, et il était évident que dans cette lutte le prix ne serait accordé qu’à celui qui aurait montré le plus « d’énergie » dans la question du Slesvig-Holstein. À son retour de Francfort, le comte Rechberg s’exprimait devant lord Blomfield (dépêche du 10 septembre) avec une ardeur inaccoutumée (with much fervency) au sujet des duchés ; il déclarait qu’il lui était impossible d’intervenir dans les résolutions de la diète fédérale, à quoi l’ambassadeur anglais répondit que la question devenait décidément sérieuse. De son côté, M. de Bismark, dans sa note du 11 septembre, en réponse à la dernière communication du cabinet britannique, prenait tout à coup un ton tranchant dont il s’était jusque-là toujours gardé. Il ne se refusa pas le plaisir de rappeler la dépêche de Gotha ; il établit la thèse étonnante, que si par impossible une guerre résultait de l’exécution fédérale, ce serait une guerre offensive que le Danemark ferait alors au Bund, et il finit par déclarer qu’il ne pouvait que « donner libre carrière aux procédés fédéraux. » La situation s’aggravait, le terme qu’avait fixé dès le printemps sir A. Malet approchait ; le Bund allait voter l’exécution, et il sembla tout naturel à lord Russell de s’adresser de nouveau à la puissance qui avait approuvé jusque-là toutes ses démarches. Il demanda donc au gouvernement français (16 septembre) si le moment n’était pas venu d’offrir en commun leurs « bons offices, » ou même de rappeler l’Autriche, la Prusse et la confédération aux obligations du traité de Londres ; mais là une déception nouvelle attendait le principal secrétaire d’état. Cette fois la France se refusait d’une manière assez catégorique… C’est que le cabinet des Tuileries avait déjà éprouvé la bonne volonté de l’Angleterre dans cette négociation polonaise à laquelle le prince