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de plumes de volailles et de coquillages marins. Ce débris de vase, placé au seuil des portes et que les femmes viennent remplir soir et matin de maïs cuit et d’huile de palme, c’est le « plat du diable » (legba’gban), qu’on garnit ainsi au profit des vautours noirs[1], spécialement et uniquement chargés du nettoyage des rues. Sous un temple nain recouvert de chaume, le legba lui-même offre sa hideuse image. Accroupi sur ses pieds énormes, il a les bras plus longs que ceux d’un gorille ; sa tête, modelée dans une argile rougeâtre ou grossièrement taillée dans quelque bloc de bois, affecte une forme conique ; son nez est un paquet de terre glaise, sa bouche une large baie pratiquée de l’une à l’autre oreille ; ses yeux et ses dents sont des coquillages incrustés ou des plaques de peinture blanche. Il arrive fréquemment que l’idole tombe en poussière, mais nul n’ose y porter une main sacrilège, et devant ce qui reste de cette image vaine la superstition trouve encore moyen de trembler. « Différent à cet égard du Pan classique et du dieu de Lampsaque, le legba prend quelquefois, exagérés de la façon la plus grotesque, les attributs féminins ; mais l’idée fondamentale du culte rendu à ces trois divinités est évidemment la même. Quant aux rites habituels, ils consistent principalement en fomentations d’huile de palme pratiquées sur ce qui caractérise particulièrement le sexe du dieu ou de la déesse. »

Au nord de la forteresse anglaise, et par-delà une place carrée où le monarque a fait construire un vaste hangar destiné aux exercices et aux réunions de sa « garde bleue, » un bosquet circulaire composé d’arbres géans dresse ses sombres massifs. C’est vers l’extrémité orientale de ce bosquet qu’il faut, avec quelque soin, chercher le temple des danghbwe ou des serpens boas. M. Burton décrit ainsi ce curieux monument de l’ophiolâtrie dahomienne :


« Ce n’est qu’une petite hutte ronde en argile dont les murs épais soutiennent une toiture de chaume en forme d’éteignoir. Deux entrées sans portes, qui se font face l’une à l’autre, mènent à une aire de sol battu sur laquelle on n’aperçoit qu’un panier et un balai. À l’intérieur et à l’extérieur, l’édifice est très sommairement blanchi, et quand je le vis pour la dernière fois, une main peu exercée avait peint à fresque, sur la gauche de l’entrée principale, un vaisseau voguant à toutes voiles. Trois grandes perches, fixées en terre à peu de distance, supportaient autant de petites flammes, rouge, blanche et bleue.

« Le danhgbwe est adoré ici comme le singe aux environs d’Accara et de Wuru, le léopard près d’Agbomé, l’iguane à Bénin, le crocodile à Savi, Badagry et Porto-Seguro. Ce reptile est un python de dimensions ordinaires, à peau brune rayée de blanc et de jaune ; pas un de ceux que j’ai vus ne

  1. Percnopter niger ; — le nom local est akrasu.