Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/900

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1850 à 1857 des prix de moins en moins rémunérateurs : pendant la crise de 1857, il tomba à 20, à 15, même à 10 cents le boisseau. L’ouest se crut ruiné et perdit presque l’espoir de payer sa dette. Avant la guerre, le maïs valait 30 cents, le froment 75 cents environ. Depuis l’introduction du papier-monnaie, les prix se sont naturellement beaucoup élevés : au mois d’octobre 1864, le maïs se cotait 1 dollar, et le froment 1 dollar 30 cents. Le fermier s’est trouvé ainsi en mesure de rembourser avec du papier ce qu’il avait reçu en espèces. L’accroissement des prix ne lui a pas permis seulement de se libérer très rapidement, il a pu encore faire des économies et des placemens, soit en terres, soit dans les emprunts fédéraux. La guerre a balayé dans tous les états de l’ouest cette multitude de billets de banque qui jadis les inondaient ; ils ont été renvoyés dans l’est, et l’on n’y reçoit plus que les greenbucks, les billets verts de la dette nationale. Il est vrai de dire que les salaires ont notablement augmenté : les ouvriers de campagne, qui jadis recevaient de 12 à 15 dollars par mois, exigent aujourd’hui 25 dollars ; mais l’emploi de nombreuses machines agricoles a beaucoup amoindri la main-d’œuvre, et un grand nombre d’agriculteurs sur leurs petites fermes n’ont point besoin d’avoir recours à des bras étrangers. À mesure que le recrutement faisait des vides dans la population de l’ouest, l’émigration venait les remplir, car elle se dirige toujours de préférence vers les états les plus éloignés de l’Atlantique. À la faveur de toutes ces circonstances, l’ouest a pu s’enrichir par la guerre, et la prospérité dont il jouit a singulièrement exalté le sentiment de fidélité à l’Union. Ceux qui songent à détacher les états du nord-ouest de ceux du centre et de l’Atlantique connaissent bien peu les sentimens de la population qui a rempli les vastes provinces devenues les greniers de l’Union. La doctrine de la sécession n’y a encore converti personne, et ceux qui se plaisent à tracer en imagination les limites d’une confédération occidentale doivent être cherchés ailleurs que dans l’ouest.

Après le pain, la viande. Après ma visite à l’élévateur, je me rendis dans un des abattoirs de Chicago. Les packing-houses sont placés loin du centre de la ville, sur la prairie, qui de toutes parts l’entoure. À quelque distance des quartiers populeux, on arrive dans des faubourgs où des masures de bois s’élèvent çà et là, orientées au hasard. Les rues sont pourtant déjà tracées, et les larges avenues s’étendent à perte de vue. La route n’est point pavée ; les voitures enfoncent dans le sable ou roulent en cahotant sur un chemin fait de planches juxtaposées. Le long des maisons, des trottoirs de bois sont supportés sur des pieux. Suivons dans la plaine un de ces grands troupeaux que des guides à cheval conduisent lentement