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cieuses, des documens inconnus, l’ont mis en mesure de porter la lumière sur toutes les parties de la scène politique. Notamment l’histoire des congrès et toute la diplomatie du temps sont expliquées pour la première fois d’une manière aussi claire que piquante. Menées parlementaires, intrigues de cour, conspirations démocratiques, mouvemens de l’opinion, effets produits par la tribune et par la presse, tout est retracé avec ordre, exactitude et vivacité, et le récit est aussi attachant que les réflexions sont instructives. Il faut lire ces pages excellentes, si l’on ne veut se déclarer indifférent aux destinées politiques de la France.

Les opinions de l’auteur sont connues. Il n’en est point de plus nettes et de plus décidées. Un des mérites de son esprit et de son talent est une lucidité parfaite. Il fuit le vague et n’atténue jamais sa pensée. Sa vie publique a prouvé un dévouement absolu à ses principes, et il a porté dans les affaires des convictions aussi fermes que son caractère. Cependant ceux qui ne le connaissaient que sur la parole de ses adversaires ont remarqué, non sans surprise, la flexibilité d’intelligence et la modération du langage qui recommandent son histoire. Avec des idées très arrêtées et qu’il n’abandonne jamais, il sait montrer cette haute impartialité qui n’envenime rien, parce qu’elle comprend tout, parce qu’elle sait que presque toutes les erreurs ont leurs bonnes raisons, presque toutes les passions leurs bons mobiles. Il ne cache rien de ce qu’il découvre, il ne ménage rien de ce qu’il désapprouve ; mais s’il juge, il n’offense pas : il a le langage d’un censeur et jamais d’un ennemi.

Pour moi, rien là ne m’étonne, et d’un esprit aussi droit qu’étendu je n’attendais pas moins. Je comptais sur l’équité des jugemens, sur la mesure de l’expression. Aussi, en trouvant tous ces mérites dans un historien qui m’éclaire, suis-je tenté de me demander quelquefois, si loin de manquer de bienveillance, il a toujours été assez sévère. Il me siérait peu de requérir la condamnation de personne ; mais l’auteur, raconte un temps où tout a toujours fini par mal tourner. Cette succession d’avortemens politiques ne peut avoir pour cause unique de malencontreux hasards. Il y a eu des accidens sans doute, et je ne suis pas de l’école qui en nie l’influence et qui prétend les rayer de l’histoire. D’autres causes cependant, des causes que le patriotisme même me saurait absoudre ni taire, ont déterminé les événemens. Le caractère de la nation, les sentimens du public, la conduite des individus, voilà ce qui doit répondre au premier chef des malheurs du pays. Il nous en peut coûter de dévoiler des torts qui sans doute auraient été les nôtres ; mais enfin les fautes n’ont jamais été nécessaires, aucune fatalité ne les couvre. Il faut les signaler, quand on ne veut pas qu’elles se