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relle que des amis éclairés de la monarchie n’y avaient pas échappé, la restauration n’avait pas compris que son plus grand danger, sa plus mortelle faiblesse lui venaient des sacrifices qu’elle infligeait à la fierté ou, si l’on veut, à l’amour-propre national. Parmi ces sacrifices, les plus cuisans étaient la suite des fautes de l’empire ; elle n’y était pour rien, mais elle en avait profité, tandis que l’empereur en souffrait comme nous. La politique la plus évidente prescrivait donc à la royauté d’en séparer sa cause avec éclat et de les maudire avec nous, quoi qu’elle y pût gagner. Elle s’en était peu avisée ; elle aurait voulu que le deuil de la France se perdît dans la fête de son retour. D’autres sacrifices nullement inévitables étaient venus s’ajouter aux rigueurs des événemens : c’étaient ceux auxquels le nom, les souvenirs, les préjugés, les amitiés d’une dynastie longtemps émigrée exposaient la France. Ceux-là, il dépendait d’elle de les épargner au pays, de s’en épargner à elle-même la funeste responsabilité. Rien n’obligeait à regarder la restauration comme le démenti de toute la révolution : la charte apparemment n’était rien moins que cela ; mais tantôt la passion, tantôt la vanité, avaient rendu trop souvent le pouvoir ou son parti sourd, à la politique si simple d’une réconciliation sans réserve et sans récrimination avec la société moderne. En donnant des griefs à l’opinion, la restauration avait donné des prétextes à ses ennemis. Ainsi le patriotisme et le libéralisme avaient contracté envers elle un caractère d’exigence, de défiance, de ressentiment, qui arrivait aisément à l’inimitié. Le côté gauche, interprète d’une opinion plus irritée, qu’elle ne voulait le paraître et peut-être qu’elle ne le savait elle-même, demandait à la royauté plus qu’elle ne pouvait sagement ou dignement accorder. Des réclamations plausibles devenaient hostiles ; des résistances motivées devenaient offensantes, Citons un exemple de la manière dont se posaient les questions. C’était assurément une chose fort simple pour le gouvernement de la France que de n’avoir pas de troupes suisses à sa solde, et l’on pouvait lui demander sans intention maligne de renoncer à toute garde étrangère : c’était une chose non moins simple que de tenir à conserver ces utiles auxiliaires et à perpétuer, par le maintien des anciennes capitulations, des rapports d’union presque défensive avec des voisins belliqueux, en diminuant d’autant l’impôt du sang levé sur la nation ; mais lorsqu’on déclarait qu’on voulait avoir des gardes suisses à cause de leur fidélité au 10 août et comme une milice utile contre Paris insurgé, il devait arriver qu’on en demandât le licenciement par ce motif là même, et comme d’une troupe de mercenaires dressée contre le peuple. On soupçonnait le pouvoir de la conserver à mauvais dessein ; on se faisait soupçonner d’en