vouloir à mauvais dessein la suppression. La question s’envenimait de part et d’autre ; elle mettait en présence la monarchie et la révolution. Ceux qu’on accusait de vouloir armer l’une contre l’autre ou désarmer la première devant la seconde disaient bientôt : « Et quand cela serait ? » Et de chaque côté on semblait s’attendre à la guerre, on semblait de chaque côté se réserver des forces, ici pour l’oppression, là pour la révolte. Cet exemple entre vingt autres montre quel débat avoué ou quel conflit tacite s’élevait entre la royauté et le côté gauche, comment les questions qui les divisaient tendaient à s’envenimer, à devenir insolubles, et comment aussi le côté gauche, docile aux suggestions de l’opinion nationale, se rendait presque forcément le gouvernement impossible.
Telle n’était pas l’intention de tous ses chefs, et si les événemens plus favorables eussent enhardi à l’ambition et poussé au pouvoir les principaux d’entre eux, on peut supposer qu’ils ne se seraient pas montrés incapables d’employer, en la maîtrisant, la force de l’esprit public. Ce n’est pourtant qu’une supposition : l’épreuve était hasardeuse ; elle inspirait, non-seulement aux royalistes de la droite, mais à ceux du centre, des craintes qui eussent engendré des résistances et accru les périls. Les ressentimens qui animaient une grande partie du public étaient aussi difficiles à satisfaire qu’à contenir. A côté des griefs légitimes ou des mécontentemens inévitables, les haines invétérées, les passions ardentes, les rêves exaltés, s’unissaient dans une coalition menaçante qui cherchait vaguement le renversement ou la vengeance ; de là des conspirations prochaines que l’extrême gauche ne désavouait pas, en sorte qu’au temps même où le parti libéral avait paru s’approcher du point où il pourrait se saisir du gouvernement, on le jugeait plus disposé à le briser qu’à s’en servir, plus amoureux de l’opposition qu’épris du pouvoir. Alors, comme à plus d’une époque, le parti libéral manquait d’ambition ; il allait être le plus fort, et ne songeait pas assez à ce qu’il ferait de sa victoire. Il laissait dire que son gouvernement était impossible, et les choses que l’on dit longtemps impossibles le deviennent par là même.
Tournons maintenant nos regards vers le centre. Ce parti, grossi de la masse des indifférens, peut bien être le plus nombreux : il peut paraître le plus naturel point d’appui du pouvoir ; mais il est irrévocablement divisé. L’union ou même la confusion du centre droit et du centre gauche a, de 1816 à 1819, produit une majorité prépondérante. On lui doit des mesures de paix, de prospérité, de liberté ; mais c’est à la faveur de la liberté que se sont développées la force et l’impatience de l’opinion libérale. Il faut de toute nécessité compter avec elle ; il faut ou l’associer au pouvoir ou l’en écar-