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Paula s’arrêta muette d’étonnement : l’ancienne cité chananéenne, l’ancienne forteresse des Juifs contre les rois de Syrie, ne se rappelait plus à la mémoire que par l’énormité de ses débris.

Césarée, jadis la Tour de Straton, les reçut enfin dans ses murs. La ville syrienne grécisée avait fait place à une ville toute romaine ; construite par Hérode en l’honneur d’Auguste et devenue, par ses palais de marbre et par son port, une des plus belles cités de l’Asie. Siège du gouvernement de la province après la destruction de Jérusalem par Titus, Césarée était, au IVe siècle, la résidence du clarissime consulaire qui avait sous sa main les trois subdivisions appelées première et seconde Palestines, et Palestine salutaire. La hiérarchie ecclésiastique étant calquée presque toujours sur la hiérarchie civile, l’église de Césarée tenait aussi le premier rang parmi les églises de la Palestine. Plusieurs évêques célèbres l’avaient illustrée, entre autres le confident de Constantin, Eusèbe, qui, originaire de la province, en avait éclairé l’histoire par ses ouvrages. Jérôme, sans faire grand cas du caractère d’Eusèbe, estimait du moins ses livres, car il traduisit, en l’annotant, le traité de l’évêque grec sur les lieux renommés de la Judée, et il le suivait presque toujours comme un guide certain. Césarée, par suite de circonstances diverses, était alors le centre des études chrétiennes en terre Sainte, comme Tibériade, dont nous parlerons plus loin, y était le centre des études hébraïques. Origène avait habité Césarée au IIIe siècle, et la bibliothèque de cette ville conservait comme un trésor un manuscrit de ses Hexaples qui passait pour la meilleure édition de ce grand livre. Jérôme sans nul doute profita de l’occasion pour le consulter et en recueillir les variantes principales. Nous verrons que c’était le procédé ordinaire du savant voyageur, qui savait faire servir ses pèlerinages à la science autant qu’à la piété : « Voyager, disait-il souvent, c’est apprendre. »

Le nom d’Hérode, qui se lisait en pompeuses inscriptions sur les plus beaux monumens de la Palestine, était attaché aussi à bien des ruines. Ce grand constructeur de villes et de palais, qui tuait tantôt ses femmes, tantôt les prophètes censeurs de ses femmes, et ne ménageait pas plus ses enfans, avait la prétention d’être aussi bon fils que mauvais père. Il avait dédié à la mémoire de son père Antipater, à quelques milles de Césarée, la ville d’Antipatris, que Jérôme et ses amis visitèrent sans y remarquer autre chose que des signes de destruction. Au reste, c’était l’accompagnement douloureux d’un voyage en Judée ; on n’y marchait qu’à travers des débris : débris des guerres juives contre la Syrie et l’Égypte, débris des guerres romaines contre les Juifs, ravages non effacés des rigueurs de Titus, ravages vivans de celles d’Adrien. Aucune terre