Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/188

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par les libres échangistes anglais, qui, après avoir réformé la législation commerciale du royaume-uni, voulurent que le nouveau tarif fût appliqué à toutes les provenances, sans même admettre l’argument des représailles à l’égard des peuples étrangers qui persistaient à exclure de leurs marchés les produits britanniques. En effet, si la liberté du commerce est profitable, pourquoi l’ajourner ou la restreindre, et doit-on se priver soi-même des bénéfices qu’elle procure uniquement pour en priver d’autres nations moins intelligentes et moins avancées ? — Sous l’influence de ces idées, l’Angleterre abandonna le régime de la réciprocité, et elle ouvrit, sans compensation, ses marchés et ses ports à la concurrence étrangère.

L’essor immense que prit le commerce anglais à la suite de la réforme était de nature à convertir les autres peuples à la doctrine du libre échange. On vit bien toutefois, en France comme ailleurs, que la conversion des intérêts devait rencontrer les plus grandes difficultés. Les manufacturiers français, abrités sous les tarifs de douane, se souciaient médiocrement de modifier les conditions de leur travail. La consommation intérieure leur était assurée : ils entendaient qu’elle leur fût conservée sans partage. Quand on leur présentait l’exemple de l’industrie britannique devenue plus florissante et plus riche par la liberté, ils répondaient que cette liberté, qui convenait à l’Angleterre, ne conviendrait pas à la France : argument facile et banal, dont on ne saurait pourtant méconnaître la puissance, car nous l’entendons opposer chaque jour à la revendication des libertés politiques, dont nos alliés jouissent si largement au-delà du détroit, et qui nous sont encore refusées. Vainement essayait-on de convaincre les industriels que leur intérêt se trouvait d’accord avec les principes libéraux, dont une expérience éclatante avait démontré la justesse ; vainement l’administration s’étudiait-elle à leur inspirer une confiance plus grande dans leurs propres forces et à les conduire insensiblement vers la concurrence : chaque tentative, chaque progrès essayé dans cette voie était l’occasion d’une résistance acharnée. Pour le gouvernement, plus libéral en cette matière que ne l’était la masse du pays, ce n’était plus une question à débattre ; c’était un nœud gordien à trancher.

Aux termes de la constitution de 1852, les traités de commerce ont force de loi pour les modifications de tarifs qui y sont stipulées, c’est-à-dire que ces modifications ne sont plus assujetties à l’approbation du pouvoir législatif, et qu’elles sont exécutoires par le fait seul de la promulgation des traités conclus au nom de l’empereur. Nous n’avons pas à discuter ici la portée générale de cette disposition constitutionnelle : qu’il nous suffise d’indiquer comment,