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retards et des vexations dont souffrent les voyageurs, nationaux ou étrangers, sans procurer aux gouvernemens ni aux particuliers aucun avantage de sécurité. Ce serait donc nous léser nous-mêmes que de le maintenir à l’égard de la Suisse comme un instrument de représailles : bientôt sans doute les cantons céderont spontanément à l’esprit du temps et à la contagion de l’exemple en supprimant les impôts auxquels ils ont assujetti les ouvriers étrangers.

Est-il besoin de démontrer à quel point il est aujourd’hui nécessaire d’assurer partout la libre circulation des idées, des personnes et des choses ? Grâce à l’universelle application de la science, cette preuve n’est plus en vérité qu’un lieu commun. Voici des rails de fer qui, après avoir sillonné chaque territoire, se rencontrent aux frontières : pour se joindre, ils renversent les murailles des vieilles forteresses, ils franchissent les plus larges fleuves, percent le roc des plus hautes montagnes. Voici des fils de métal qui traversent la terre et les mers, et transportent aux plus lointaines distances la parole électrique, aussi rapide que la pensée. En créant ces merveilles, en mettant aux mains des hommes ces puissans moyens de communication, la science a ouvert à la politique des horizons vastes et nouveaux qui étaient fermés aux générations passées. Du jour où les territoires étaient en quelque sorte soudés l’un à l’autre par le contact des voies ferrées et des fils électriques, il devenait indispensable de se concerter pour rendre uniformes les règlemens destinés à faciliter les relations entre les divers états. L’unité qui existait dans l’instrument matériel devait pénétrer en même temps dans le code international. De là les négociations qui se sont multipliées depuis quelques années dans l’intérêt des transports, notamment en ce qui concerne les communications postales et télégraphiques. On a tenu des congrès pour accélérer, par une discussion plus générale et plus directe, l’œuvre d’harmonie et d’unité qui est dans les vœux de tous les gouvernemens, et nous avons, eu la satisfaction de voir choisir Paris pour le siège de ces conférences, où les délégués des états d’Europe et même d’Amérique ont arrêté les principes et les détails d’application à insérer dans les conventions futures. Enfin, comme tout s’enchaîne dans cette série d’idées justes et d’études fécondes, l’examen des tarifs de poste et de télégraphie, tarifs qui seront sensiblement réduits, a eu pour résultat d’appeler l’attention sur l’uniformité des poids et mesures, ainsi que des monnaies. Que l’on se souvienne des sourires d’incrédulité et des réflexions peu indulgentes que provoquait, il y a quelques années à peine, la pensée, émise par quelques économistes, de former une sorte de ligue pour propager l’adoption universelle du système décimal ! Cette pensée était renvoyée au dossier des chimères et clas-