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sée avec la langue universelle ou avec la paix perpétuelle. On avait pitié des idéologues qui, sans tenir compte des mœurs, des habitudes, ou seulement même des sentimens d’amour-propre contre lesquels ils se mettaient en campagne, prétendaient imposer aux différens peuples un type unique pour les mesures d’échange. Certes les économistes de ce temps-là n’ont point encore sujet de triompher, car le problème, dont ils ne se dissimulaient point l’extrême difficulté, est loin d’être résolu par la pratique ; mais du moins les observations échangées dans le congrès postal de 1863 peuvent les consoler des sarcasmes qu’ils ont bravés et encourager leurs espérances. Après avoir établi des conditions uniformes pour le transport des dépêches entre tous les pays, on finira par reconnaître que le travail des services publics sera singulièrement simplifié par l’emploi des mêmes poids, des mêmes mesures, des mêmes monnaies, et l’unité s’introduira ainsi dans la langue économique, qui n’aspire après tout qu’à être la langue franque des intérêts.

Dans un autre ordre d’idées, signalons, comme un symptôme non moins caractéristique, la conférence tenue en 1864 à Berne pour rechercher les moyens d’améliorer le sort des militaires blessés sur les champs de bataille. C’est l’initiative de quelques citoyens de Genève, témoins émus de la campagne d’Italie, qui a provoqué la réunion de cette conférence, à laquelle les principaux gouvernemens se sont fait représenter, et qui a proclamé dans un acte diplomatique la neutralisation des hôpitaux militaires et des ambulances, du personnel sanitaire et des blessés. Encore un progrès qui, a une autre époque, aurait probablement été relégué parmi les illusions généreuses de la philanthropie et dont la réalisation eût semblé impossible ! Ce n’est pas que la civilisation, s’exprimant par le droit des gens, ne se soit fait depuis longtemps un devoir de recommander l’humanité dans le combat et de prévenir les inutiles effusions de sang ; mais il s’agit ici d’un engagement solennel qui sera bientôt la loi de tous les belligérans. Au plus fort de la lutte, alors que tous les autres contrats auront été violemment déchirés, cet engagement seul subsistera, comme un pacte de générosité et comme un présage de paix. Qui oserait dire qu’en 1815, après les guerres acharnées du premier empire, quand toute l’Europe portait encore le deuil de tant d’armées, une telle négociation aurait pu être entreprise et menée à bonne fin ? Il a suffi que notre génération assistât au spectacle d’une seule grande bataille. pour qu’elle voulût réviser le code de la guerre. La convention de 1864, inspirée par les sanglans souvenirs de Solferino, sauvera dans l’avenir bien des victimes ; elle honore au plus haut degré l’esprit moderne, et il faut ajouter que jamais peut-être négociations ne