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de blâmable ; elle a même droit à de justes éloges, à une condition toutefois : c’est d’avoir été uniquement inspirée par l’amour du bien public. Il est nécessaire que le passage d’un parti à un autre s’opère avec franchise et netteté, et qu’il ne puisse être imputé à la poursuite d’un but égoïste et d’un avantage particulier. Malheureusement pour la mémoire de l’abbé Bernier, il est aujourd’hui avéré qu’au moment même où il témoignait, vers la fin de 1795, au général Hoche l’envie d’abandonner le parti royaliste, ses sollicitations étaient plus ardentes que jamais pour obtenir des princes émigrés une nouvelle marque de leur confiance, et peu de temps après (23 février 1796) il recevait d’eux le titre d’agent général près des puissances belligérantes. Même tactique en 1799. Bernier, déjà décidé à traiter avec le premier consul de la soumission de la Vendée, avait, au mois de novembre, dépêche un de ses affidés à Londres pour se faire envoyer des pouvoirs encore plus amples que ceux naguère accordés à l’ancien agent général, et c’est muni d’une commission signée parle comte d’Artois qu’à la conférence de Montfaucon il avait, le 18 janvier 1800, fait mettre bas les armes à tous les insurgés de la rive gauche de la Loire. En conseillant à ses amis de se soumettre au nouveau gouvernement, l’abbé Bernier ne se fit pas faute de leur affirmer que le général Bonaparte ne travaillait que pour les Bourbons, et que, nouveau Monk, il allait bientôt leur rendre l’héritage de leurs ancêtres. Au fond, il n’en croyait rien. Hors les simples paysans qui s’en rapportaient aveuglément à sa parole, personne n’en fut dupe en Vendée. La situation de Bernier devint donc de plus en plus compromise. C’est pourquoi il obtint du général d’Hédouville d’être conduit à Paris. A peine débarqué, il eut hâte de se mettre en rapport avec le premier consul, qui tout de suite le goûta beaucoup. La correspondance que nous avons sous les yeux témoigne qu’à partir de ce moment l’abbé Bernier se voua tout entier, corps et âme, à la fortune de son nouveau protecteur. Telle était la personne qu’avait choisie Bonaparte pour lui servir de principal intermédiaire dans les négociations avec Mgr Spina.

Cependant l’affaire du concordat ne devait pas se traiter uniquement à Paris, mais aussi à Rome, et là par d’autres mains et dans des dispositions différentes. Des conférences de l’abbé Bernier avec l’envoyé du saint-siège, il n’était sorti que projets d’arrangemens déclarés par le pape absolument inadmissibles, parce qu’ils étaient, nous dit Consalvi, tout à fait opposés aux maximes fondamentales de la religion et aux lois les plus sacrées de l’église. Heureusement pour le saint-père, dans le même moment où il lui adressait des demandes si malsonnantes, le premier consul envoyait à Rome un