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La pauvre aïeule désolée
Poursuivit sa course au tombeau.

Et tout me revint en mémoire,
Tout, jusqu’au lourd balancement
De l’horrible voiture noire,
Tout mon passé sombre et dormant.

Je songeai que j’avais comme elle
Dit ce poème des sanglots
Dont on peut bien changer les mots,
Mais dont la phrase est éternelle,

Et que trois fois, comme elle aussi,
Accompagnant les miens ici,
J’avais monté cette avenue,
Et que la route m’est connue.

Le premier que je vis mourir,
(J’étais trop jeune pour souffrir,
On souffre à l’âge où l’on espère),
Je le pleurai, c’était mon père.

Le deuxième (je le revois),
C’était mon frère cette fois ;
Je l’embrassai, calme et farouche,
Doute au cœur, blasphème à la bouche.

Mais le jour où Dieu me la prit
(La troisième fois c’était elle,
Elle, ma mère !), j’ai souri
Et j’ai dit : L’âme est immortelle !

Depuis elle, depuis ce temps,
Je n’ai plus ni pleurs ni colère,
Et je ne souffre plus, — j’espère,
Et je ne doute plus, — j’attends.

LA NEIGE. (BERCEUSE).

Fleurs d’amandier et fleurs de neige,
Jours de décembre et jours d’avril,
Le printemps, quand reviendra-t-il ?
Hélas ! que sais-je ?