Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/263

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sité d’affermir l’esprit public par un système fixe et définitif qu’il puisse comprendre, et auquel il puisse concourir en connaissance de cause, l’urgence enfin de fortifier la constitution par des développemens qui la complètent dans le sens de la liberté, tel est l’objet principal que M. de Carné traite dans le nouveau volume qu’il vient de publier. Cependant, comme, selon lui, l’omnipotence instituée au dedans a soulevé au dehors les questions les plus périlleuses, comme le problème européen, ainsi attaqué par intervalles, n’en reste pas moins couvert d’une obscurité qui semble s’épaissir de plus en plus, M. de Carné s’est vu entraîné à examiner l’une après l’autre les questions internationales, et, les jugeant à son point de vue, il s’est demandé si elles ont été ouvertes à propos, si elles n’auraient pas pu être abordées d’une autre manière, dans un autre ordre, avec moins de danger et plus de résultat. Les lecteurs de la Revue savent quelle est la compétence de l’auteur en ces matières, et sur quelles études historiques, publiées ici même, sont fondés tous ses travaux relatifs aux institutions libres et conservatrices, ainsi qu’aux intérêts de l’équilibre européen : il est de ceux qu’on peut, avec une égale satisfaction, suivre ou combattre. Aussi allons-nous choisir, dans ces deux ordres de considérations, celles qui nous paraissent les plus importantes et les plus opportunes, et en nous attachant spécialement pour l’intérieur à la question libérale, pour le dehors à la question italienne, nous serons avec lui sur la première, et contre lui sur la seconde.

Trois systèmes en ce moment s’efforcent, selon M. de Carné, d’entraîner le gouvernement. Le premier voudrait le rejeter dans les voies à peu près abandonnées de la dictature, en arrière même du décret du 24 novembre 1860. La théorie de ce parti, c’est que la démocratie, fait purement social, ne peut agir politiquement qu’en se concentrant dans un pouvoir unique qui en résume toute la force et tout le droit, que la liberté pondérée, la division des pouvoirs et le partage des responsabilités ne sont possibles que là où une aristocratie a survécu et reste assez puissante pour faire équilibre par elle-même à l’élément démocratique, que le seul but légitime de la révolution française, qui était le nivellement social, est atteint, et qu’il n’y a plus rien à demander depuis la nuit du 4 août 1789. Dans ce système, les héritiers de l’empereur exerceraient, par une sorte de droit imprescriptible ; pour ne pas dire divin, une autorité populaire déléguée dont ils ne seraient pas en fait plus responsables qu’un père de famille ne l’est devant ses enfans. Le second système est celui qui, espérant se faire du pouvoir actuel un instrument et une transition, ajourne toute expansion de la liberté, et accorderait volontiers l’absolutisme au dedans, pourvu qu’on lui donnât la guerre au dehors, la révolution européenne, et une avance notable dans le sens des idées et des mœurs qui mènent au socialisme. Le troisième enfin, bornant ses prétentions à ramener tout simplement la monarchie administrative et militaire dans les voies de la véritable monarchie