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Le commerce de détail proprement dit a pris dans les dernières années une telle importance qu’il dépasse maintenant le chiffre annuel des 300 millions attribués à la seule fabrication des étoffes de soie dans les jours de sa grande prospérité. Il est donc vrai de dire que Lyon est une ville de commerce et d’industrie de premier ordre, que sa situation présente n’a rien à envier au passé dont elle s’enorgueillit à juste titre, et que l’avenir lui réserve de nouveaux progrès en raison de sa position géographique, des moyens de communication qu’elle possède et du génie de ses habitans.

Quand des hauteurs de Fourvières ou de la Croix-Rousse on contemple le spectacle animé de cette cité longue et amincie, dont les constructions suivent le cours haletant des deux fleuves qui la pressent, quand du pêle-mêle des rues populeuses où le terrain manque, l’œil se reporte sur les collines conquises par l’industrie, sur les montagnes peuplées de villas et de résidences luxueuses, on ne peut se défendre de rechercher par quels efforts dans le passé comme dans le présent la société lyonnaise a su féconder le vaste champ ouvert à son activité. On se demande quelle place et quel rôle elle s’est faits dans la civilisation moderne. Cette place et ce rôle, sans remonter aux temps de la domination romaine, aux transformations de la partie orientale de la France pendant le moyen âge, sans invoquer même le souvenir du siège héroïque soutenu contre les armées de la convention, ont été à bien des reprises attestés par d’éclatans témoignages. Sous la restauration comme sous le gouvernement de 1830, l’opinion politique de la ville de Lyon avait le privilège de préoccuper le pays tout entier : il fallait compter avec elle comme avec celle de Paris ; de nos jours encore, on peut dire que cette influence n’a pas diminué, et après le préfet de la Seine c’est le préfet du Rhône sur lequel, dans la hiérarchie administrative, pèse la plus lourde responsabilité. Les traditions de savoir, de culture intellectuelle, de ferveur religieuse, l’esprit libéral et éclairé des classes de la population, — que de longues habitudes de prudence et d’habileté commerciales ont faites si exceptionnellement riches, qu’on a coutume de dire que l’argent est offert à Lyon quand partout ailleurs il est demandé, — justifieraient en partie cette prééminence accordée au chef-lieu du Rhône sur tant d’autres villes également laborieuses et prospères. Cependant à Lyon les questions sociales l’emportent de beaucoup sur les questions politiques, et il n’est pas étonnant que l’attention de tous s’arrête sur le point du territoire où l’on peut dire que le problème le plus intéressant des temps modernes a pris en quelque sorte naissance. Les rapports de fabricant à ouvrier, le taux des salaires, la part afférente à la main-d’œuvre, donnent partout lieu