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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/367

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de jour, une population de plus en plus pressée, tandis que dans la ville proprement dite le terrain, chaque jour plus disputé, ne portait que des maisons démesurément hautes, et interdisait le luxe d’un seul monument nouveau. On ne songeait pas encore à protéger par des quais mieux construits les rives des deux fleuves contre le mal périodique des inondations ; on n’avait pas même utilisé le voisinage de la Saône et du Rhône pour l’usage des habitans. La question d’eaux salubres à distribuer par la ville, soulevée en 1770, dut attendre quatre-vingts ans une solution. Quant aux autres services qui intéressent la salubrité publique, le pavage, l’éclairage, le creusement des égouts, l’ancienne édilité s’en préoccupait assez peu. La richesse publique se reconstitua vite toutefois dans cette enceinte étroite et négligée : les faubourgs de la Croix-Rousse et de Vaise devinrent rapidement des villes ; la Guillotière et les Brotteaux, qui ne renfermaient au commencement du siècle que des constructions éparses sur un sol humide et souvent inondé, comptaient en 1820 14,000 habitans, sous le gouvernement de juillet 40,000 ; aujourd’hui ce dernier chiffre est doublé. On aura du reste une idée exacte des vicissitudes que la fortune de Lyon a subies depuis environ trois siècles, si l’on s’en réfère au nombre des métiers occupés à diverses époques par la fabrication des étoffes de soie. La première manufacture date de la moitié du XVe siècle. En 1680, la quantité des métiers varie de 9 à 12,000 ; en 1789, elle monte à 18,000, et après la victoire de la convention tombe au chiffre trop significatif de 3,000. L’empire relève rapidement l’industrie des soies : en 1816, le chiffre des métiers est déjà de 20,000, en 1827 de 27,000. La révolution de février 1848 trouve 50,000 métiers debout et ne suspend qu’un instant la fabrication. À l’avènement du second empire, il y en a 65,000.

Ainsi, depuis le directoire jusqu’à la restauration, la fabrique lyonnaise, par conséquent la fortune de la ville, parvient à peine à recouvrer sa situation de 1789. Jusqu’en 1830, les progrès sont continus, mais lents ; de 1830 à 1848, ils deviennent plus rapides, et l’administration, ménagère des ressources publiques, prépare la voie aux transformations et aux développemens qui devaient bientôt s’accomplir. On avait, il est vrai, senti de bonne heure la nécessité de certains travaux d’amélioration dans une ville où la population ne cessait de s’accroître et où les affaires prenaient chaque jour plus d’extension ; mais ce n’est qu’en 1845 qu’un plan définitif, dont la pensée remonte en réalité au XVIIIe siècle et appartient à l’habile architecte Morand, fixa la largeur des rues, créa la rue Centrale, et classa d’autres voies destinées à rendre la circulation plus facile dans le milieu même de la ville, là où les transactions