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tueux qu’à la condition d’être confié à l’intelligence et à la moralité. Aussi les Anglais dans l’Inde sont-ils moins préoccupés aujourd’hui d’étendre encore leur empire que de le consolider en initiant à notre civilisation savante les peuples qui leur sont soumis. On serait injuste de reprocher au gouvernement actuel les crimes et les fautes volontaires des agens de la compagnie, car la même cause qui a fait substituer à celle-ci dans ces derniers temps le gouvernement de la reine a introduit dans l’administration de la presqu’île un élément nouveau, la moralité, lequel procède en ligne directe de la science. L’Angleterre d’aujourd’hui espère transformer les Indiens et les élever par degrés au niveau de notre civilisation en leur enseignant nos sciences et en leur en montrant les applications. Est-ce une chimère ? est-ce une entreprise possible ? Dans quelles circonstances sociales se produit-elle ? A quelles conditions peut-elle se réaliser ? Ces conditions sont-elles déjà connues ? Y a-t-il des moyens d’action déjà mis en œuvre, ou sur l’emploi desquels on puisse déjà compter ? C’est là ce que je me propose d’examiner, en me fondant sur des faits authentiques, sur des documens officiels et sur les données positives de la science moderne.


I

Un grand fait que les découvertes contemporaines ont mis en lumière domine désormais les relations de l’Inde avec l’Occident, et entre pour une part notable dans l’action civilisatrice de l’Angleterre sur cette contrée. Ce fait, c’est l’identité d’origine entre les hautes classes indiennes et les peuples européens. Ce n’est pas seulement l’étude des langues qui a mis au jour ce fait capital, c’est aussi le débrouillement des traditions et des origines des races humaines. Il n’y a plus là d’hypothèse : la fraternité primordiale des Indo-Européens est une vérité scientifique. On sait en outre que ce n’est pas sur le Gange ni même sur l’Indus qu’il faut chercher leur commun berceau, mais au nord-ouest de la presqu’île indienne, au-delà d’Attock et de Peshawer, dans les vallées qui descendent de l’Indou-Kô et qui se dirigent vers la mer d’Aral et la Caspienne. A des époques qu’il est à peu près impossible de fixer, les migrations de la race aryenne partirent de là et se dirigèrent les unes vers l’ouest, les autres vers le sud-est. Les premières peuplèrent une grande partie de l’Asie occidentale, l’Europe presque entière, atteignirent les îles britanniques et l’Irlande, dont le nom signifie terre des Ires ou Aryas. Enfin, avec les Normands et plus tard à la suite de Christophe Colomb, elles franchirent l’Atlantique et conquirent le Nouveau-Monde, dont elles se disputent aujourd’hui la possession.