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souvent maladroit. Diane ne répond guère au principe de virginité qu’elle représentait chez les anciens : c’est une assez égrillarde personne, qui n’a point l’air trop fâché d’avoir été dérangée au moment où elle baigne ses pieds ; elle est grassouillette et molle, et ne représente en quoi que ce soit l’idée qu’on peut se faire de la chaste déesse, svelte, alerte, courant la nuit sur les bruyères et dormant le jour au fond des bois touffus. C’est assez creux de facture, comme toujours, et peint souvent avec de simples frottis qui font plus d’illusion que d’effet. Selon son habitude, M. Baudry a parsemé son tableau, de ces charmantes touches bleues où il excelle ; l’aspect général est gai, et c’est à peu près tout ce qu’on doit demander à un panneau décoratif. En revanche, M. Baudry expose un portrait, grand comme la main, qui est excellent, quoiqu’exécuté dans une teinte verdâtre trop uniforme, très vivant, fait au bout de la brosse et parfaitement réussi.

J’étonnerai peut-être M. Baudry en disant qu’à cette Diane vulgaire je préfère une simple aquarelle que M. Pollet a intitulée Lydé, Il y a là du moins, malgré l’infériorité consentie du genre, un souci de l’art et un soin d’exécution qui me paraissent mériter les plus grands éloges. Voilà longtemps que M. Pollet est sur la brèche, et il nous prouve aujourd’hui que les plus vieux capitaines sont souvent les meilleurs. Lorsqu’au début de sa carrière on a eu le courage, l’esprit ou la chance de placer son idéal très loin, on marche vers lui en s’agrandissant soi-même, l’âge ne vous atteint pas, et l’on reste jeune, car on n’a pas encore touché le but qu’on s’était proposé. Depuis vingt-sept ans que M. Pollet a obtenu le premier grand prix de gravure, son talent n’a rien perdu de sa fraîcheur ni de sa force. L’aquarelle qu’il expose aujourd’hui appartient, sans contestation possible, à la peinture d’histoire. C’est d’une grande allure et d’un style de premier ordre. Le sujet n’est point compliqué : une jeune fille assise sur l’herbe, à l’ombre d’une futaie, arrache une épine qui l’a blessée.

Mon pied blanc sous la ronce est devenu vermeil.

Une draperie cachant la moitié du corps laisse à découvert les épaules, la poitrine et les bras. La facture est extraordinairement belle, et je doute que la peinture à l’huile elle-même puisse donner le relief que M. Pollet a obtenu avec de simples teintes d’aquarelle relevées çà et là d’imperceptibles hachures au pinceau. Les fleurs posées sur les cheveux blond cendré sont d’une légèreté charmante, l’air verdâtre tamisé par l’épais feuillage des arbres semble faire du jeune et charmant personnage un point lumineux qui at-