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un rayon de soleil, les tristes gouvernantes anglaises qui, assises au pied des marronniers, rêvent à des choses indécises tout en surveillant les babies confiés à leurs soins. C’est à la fois exact et gracieux, d’un coloris plein de ressources, d’un relief peu accentué et d’un aspect extrêmement plaisant. La lumière abonde sans être criarde, et les personnages ont un style élégant et familier qui est du meilleur goût ; de plus, par son ordonnance même, la composition est concentrée et se déroule avec une largeur qui dénonce un artiste réfléchi.

Si M. Français pouvait, une bonne fois pour toutes, se débarrasser d’une sorte de lourdeur de main qui paraît lui être essentielle, il augmenterait singulièrement son talent et prendrait sans contestation rang à la tête de nos paysagistes. Nul ne dessine comme lui, il a un sentiment très précis de la couleur et de ses lois ; mais souvent, trop souvent, il affaiblit, ses tableaux par la pesanteur même de l’exécution. Les Nouvelles Fouilles de Pompéi sont une. toile conçue dans un excellent esprit, et où le ciel, qui est d’une extrême finesse, prouve que M. Français, quand il le veut sérieusement, peut donner à sa brosse toute la légèreté désirable. Pourquoi les terrains des premiers plans sont-ils si lourdement touchés et viennent-ils affaiblir la savante harmonie de toute la composition ? La tonalité générale a pour point de départ deux murailles peintes en bleu et en rouge ; pas une fois elle ne s’éloigne de la gamme voulue, et elle donne à tout ce tableau une sorte d’aspect musical qui est à la fois très doux et très puissant. Semblables à des canéphores, les femmes portent sur leur tête les paniers pleins de cendres déblayées ; toute la ville ensevelie jadis et aujourd’hui rendue au jour apparaît avec ses murs effondrés, ses toits enlevés, ses colonnes encore debout, les aloès poussés sur ses ruines, les vignes qui envahissent ses pignons écroulés. Au fond apparaît la mer, brillante sous le soleil ; une brume lumineuse, qui ne surprendra aucun de ceux qui connaissent les environs de Naples, noie de ses teintes nacrées l’horizon lointain où se profile la pure silhouette des. promontoires bleuâtres. C’est encore un excellent tableau que M. Français peut ajouter à son œuvre, déjà considérable ; mais il ne fait pas oublier l’Orphée, dont nous attendons toujours le pendant.

Dans la peinture de paysage, il ne me reste plus à indiquer que la Chapelle de la Vierge dans l’église Saint-Marc, à Venise, tableau d’intérieur très chaudement peint par M. Lucas, qui semble avoir emprunté aux maîtres vénitiens quelque chose de leur belle entente de la lumière ; le Requêter de M. Lapierre, qui, malgré ses ciels toujours un peu trop fouettés, a des qualités très sérieuses et une harmonie rose du plus gracieux effet, et enfin une aquarelle de