Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/712

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

oubli, soit défaillance, l’œuvre utile ait subi une aussi longue et aussi fâcheuse interruption. Peut-être même est-on bien près d’être convaincu que de nouveaux retards seraient de nature à compromettre gravement des intérêts de premier ordre. N’est-ce pas bien là en effet, — sinon, trait pour trait, l’histoire même, — du moins une assez fidèle image de l’évolution qui tend à s’accomplir dans les esprits ? Qu’on en juge par quelques faits.

Le mouvement de réforme pénitentiaire, qui ne remonte guère au-delà de 1830, devint assez. Général, on le sait, vers la fin du dernier règne. Il suffirait, pour en donner une juste idée, de signaler les hommes recommandables à plus d’un titre qui s’y engagèrent alors le plus résolûment. Parmi eux, il conviendrait de citer en première ligne M. le président Bérenger, d’autant plus que, comme aux jours les plus actifs et les mieux remplis de sa vie judiciaire et politique, le problème pénitentiaire est encore aujourd’hui l’une des plus chères préoccupations de sa noble et laborieuse vieillesse. A côté de ce nom si respecté viendraient se placer les noms de MM. de Tocqueville et Gustave de Beaumont, entourés depuis de tant d’éclat. Il ne faudrait pas oublier non plus ceux de MM. Charles Lucas et Moreau Christophe, alors inspecteurs-généraux des prisons, qui, malgré l’extrême divergence de leurs vues, apportèrent l’un et l’autre à cette polémique le très utile tribut de lumières puisées aux meilleures sources. C’est ainsi sans doute que le mouvement finit par pénétrer dans les régions officielles et même dans les conseils du gouvernement. En France comme en Angleterre, on voulait entrer dans la voie si grandement ouverte, par les États-Unis, et dans des proportions plus restreintes par quelques cantons suisses, ceux notamment de Genève et de Lausanne. Aussi dès 1847 avait-on saisi la chambre des pairs d’un projet de loi qui consacrait les plus notables et les plus utiles innovations ; mais au moment même, où ce projet allait être enfin soumis à la discussion, il disparut dans le tumulte et le désordre des événemens de 1848. A dater de cette époque, on rencontre bien ça et là encore quelques améliorations de détail, mais sur les réformes fondamentales rien ne s’offre qui mérite d’être signalé.

Cependant, si je ne m’abuse, les amis persévérans de la réforme ; peuvent enfin se croire à la veille d’un retour longtemps attendu, et il semble, en vérité, que les motifs si sérieux d’utilité sociale, qui avaient inspiré leurs premiers efforts tendent à reprendre un légitime ascendant sur les esprits. Ne serait-ce pas que pendant ce long intervalle de torpeur et d’inertie on aurait du moins recueilli, d’une expérience qui, après tout, ne pouvait être entièrement perdue, cette forte et utile leçon, que l’heure des expédiens et des palliatifs est passée, et que désormais, si l’on veut en finir avec un