les deux dents aiguës du Mischabel (14,020 et 14,032 pieds), l’Allelinhorn (12,498 pieds), le Rympfischhorn (12,905 pieds), et le Strahlhorn (12,966 pieds). Ce puissant contre-fort se soude au Mont-Rose par la Cima-di-Jazzi (13,240 pieds), et les neuf sommités de la montagne principale semblent n’être que le prolongement de la même ligne de faîtes, car elles se trouvent placées dans la même direction, du nord au sud, coupant à angle droit la grande ride des Alpes valaisanes. Les neiges qui couvrent tout le haut de l’éperon du Saasgrath s’épanchent dans les deux vallées parallèles, que la montagne divise, et forment douze glaciers qui gonflent de leurs eaux les deux bras de la Visp. Ceux-ci se réunissent près de Stalden dans un abîme de 400 pieds de profondeur, que franchit un pont vertigineux.
Au sortir de Stalden, le sentier qui conduit à Zermatt s’élève sur la hauteur de droite. Il est impossible de suivre les bords du torrent, car il coule dans une fente étroite où il disparaît. Le caractère de la vallée change complètement. Elle n’a plus de fond ; les deux pentes opposées se rejoignent en formant un angle tout à fait aigu : ce n’est plus qu’une fissure produite par une immense dislocation de la croûte solide du globe. Un village s’est cependant accroché à cette déclivité abrupte : c’est Emd, dont le clocher blanc se détache sur les masses sombres des rochers et des pins. La situation de ce village a donné lieu à un proverbe caractéristique. Les coqs d’Emd, dit-on, ne peuvent s’y tenir qu’armés d’éperons, et quand le chapeau du curé est enlevé par le vent, il roule dans la Visp.
En deux heures et demie de marche, on arrive de Stalden à Saint-Nicolas, le village principal de la vallée. Il a beaucoup souffert du tremblement de terre de 1855. Toutes les maisons de pierre furent renversées et plusieurs chalets en bois dévorés par l’incendie. D’immenses blocs de rocher détachés des hauteurs qui dominent le hameau ont failli l’écraser dans leur chute : on les voit encore à moitié enfouis dans le sol tourbeux des prairies voisines. Quelques-uns ne se sont arrêtés qu’à une vingtaine de mètres des habitations. Pendant quatre ans, les ébranlemens du sol se sont prolongés. Partout ces phénomènes géologiques troublent profondément l’homme, qui croit qu’il va être englouti dans les abîmes de la matière en fusion ; mais ils sont bien plus terribles dans les gorges de montagnes, où des parois entières peuvent se détacher et tout anéantir. A différens endroits, on distingue encore aujourd’hui les éboulemens qui ont interrompu le sentier et qui forcent le voyageur à chercher un passage sur l’autre rive du torrent. Ceux qui ont assisté à cette formidable convulsion de la nature en ont conservé une ineffaçable im