peu près le système que propose le savant professeur Studer dans son ouvrage classique sur la géologie de la Suisse, et à moins que de nouvelles découvertes ne viennent le renverser, c’est celui qu’on accepte le plus volontiers après une étude de la question faite sur les lieux.
De Zermatt même, on n’aperçoit parmi toutes les montagnes qui entourent la vallée que le Cervin. Les premières croupes boisées sont déjà si hautes qu’elles dérobent complètement les plus hauts sommets. Pour bien en saisir l’ensemble, il faut monter au Gorner-Grat. Le Gorner-Grat est une arête latérale qui sort du contre-fort principal du Saaser-Grat à la Cima-di-Jazzi, et qui descend vers Zermatt parallèlement au massif du Mont-Rose. On s’élève d’abord doucement par de beaux pâturages le long du torrent qui sort du grand glacier de Gorner. Bientôt on entre dans une magnifique forêt de mélèzes et de pins cembros. Leurs vieux troncs tordus et ravagés par les ans s’accrochent aux rochers par d’immenses racines qui suivent dans les crevasses les veines de terre végétale. Une montée rapide conduit aux chalets d’Augstkumme, où la végétation arborescente cesse vers 6,500 pieds d’altitude. Là commence le pâturage alpestre. Par un sentier en zigzag, on gravit la croupe où le propriétaire de l’hôtel du Mont-Rose, M. Seiler, a bâti une succursale de sa maison à 7,500 pieds au-dessus du niveau de la mer, c’est-à-dire à 2,000 pieds plus haut que le fameux Rigi-Culm. On y est aussi bien que dans la vallée, c’est-à-dire parfaitement, et le comfort de la vie civilisée, transporté sur ces sommets, aux limites des frimas éternels, est tout autrement apprécié qu’au sein des grandes villes.
De l’hôtel du Riffel, il faut encore une heure, et demie de montée par des pentes assez douces où fleurissent les dernières plantes alpines pour arriver au plus haut point du Gorner-Grat, à 9,759 pieds. Le panorama qui se déroule alors à la vue est écrasant de grandeur, et il surpasse incomparablement les aspects les plus vantés qu’offrent les autres parties des Alpes. Pour s’en faire une idée, qu’on se figure la vallée de Chamounix remplie tout entière d’une énorme mer de glace qui, partant du col de Balme, recevrait tour à tour les divers glaciers qui descendent du massif du Mont-Blanc. Ici, entre la grande chaîne du Mont-Rose et l’arête du Gorner-Grat, sur laquelle se trouve le spectateur, s’ouvre une gorge de quatre lieues de longueur et d’une lieue de largeur. A l’est, elle commence au passage du Weissthor, le col le plus élevé de l’Europe,