de sa ruine avant de songer à de nouvelles conquêtes. Malheureusement, tandis que la grande idée jetait dans le pays de profondes racines et s’emparait puissamment des esprits, parce qu’elle flattait les passions les plus violentes des masses, le système des transformations intérieures et des améliorations matérielles ne comptait que de rares apôtres, recrutés, il est vrai, parmi les patriotes les plus sinères et les plus désintéressés ; mais, si ces derniers ne trouvaient de soutien à l’intérieur ni dans les instincts de la nation, ni dans les sympathies du gouvernement, en revanche ils étaient fortement appuyés au dehors par les encouragemens et le concours persévérant des puissances protectrices. Ces puissances n’ont cessé en effet, depuis l’affranchissement de la Grèce, de protester contre ses velléités imprudentes et prématurées d’agrandissement territorial, et de lui prêcher les saines doctrines du progrès économique et de la paix intérieure.
« La question grecque est une question d’économie politique, » disait en 1860 lord Russell au comte Bloudof, aujourd’hui ministre de Russie près la cour d’Athènes. Plus tard, lord Palmerston, répliquant à une adresse des négocians de la colonie grecque établie à Londres, insistait sur cette pensée, que la Grèce allait désormais marcher d’un pas ferme dans la carrière du progrès intérieur et apporter une attention sérieuse au développement de ses propres ressources[1]. Lorsque les Iles-Ioniennes furent rendues à la Grèce, les interpellations provoquées dans la chambre des communes par la démolition des fortifications de Corfou[2] amenèrent cette réponse de M. Gladstone : « Comme j’aime sincèrement les Grecs, je désire les voir abandonner tout rêve chimérique, résister à toute tentation d’envahissement, s’occuper avec une attention soutenue des industries pacifiques, travailler à la conciliation des partis, développer avec calme les ressources du pays, et renoncer aux exploits militaires, vers lesquels la nation se laisserait infailliblement entraîner, si elle avait jamais en sa possession des forteresses comptant, comme celles de Corfou, parmi les plus importantes et les plus considérables de l’Europe. »
La France a de son côté constamment exprimé les mêmes vœux et adressé les mêmes conseils. « Que votre gouvernement donne au pays l’aisance qui moralise et calme, disait M. Drouyn de Lhuys à M. Phocion Roque, alors chargé d’affaires de Grèce à Paris (1854), et il peut compter sur le concours empressé de la France. » Deux ans plus tard, le gouvernement français se disposait à don