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par le pont jeté sur le détroit de l’Euripe, se trouveront dans le rayon de l’embranchement dirigé vers l’Attique. Enfin on accordera aux entrepreneurs la faculté de couper leurs bois de construction dans les belles forêts que la ligne traversera. Outre le terrain gratuitement concédé, la compagnie trouvera donc sur place des bois de qualité supérieure et un excellent combustible qui ne lui coûteront que les frais d’abatis et d’extraction. Ces concessions précieuses ne la placeront-elles pas dans des conditions d’économie et de succès bien faites pour diminuer l’incertitude de l’avenir ?

Une fois le principe de l’aliénation des terres nationales adopté en faveur des grandes compagnies industrielles ou agricoles, l’état se trouvera sans doute entraîné à l’étendre en faveur des particuliers. Lorsque le gouvernement grec remplaça la domination turque, les immenses propriétés du sultan en Grèce, celles des pachas et des sujets musulmans dépossédés par le nouvel ordre de choses, celles aussi qui avaient appartenu à d’anciennes familles anéanties sur les champs de bataille, furent attribuées à l’état et formèrent le gage de la créance contractée par la Grèce envers l’Europe, gage improductif, car le gouvernement ne sut ni vendre ces terres, ni les distribuer à des travailleurs intéressés à les faire fructifier[1]. Et cependant l’état n’a-t-il pas un intérêt immense à augmenter le plus possible le nombre des propriétaires et à favoriser de tout son pouvoir la formation d’une puissante classe agricole qui, appliquée au développement des forces productives du pays, ferait participer le trésor public à sa propre richesse et serait un appui certain pour l’ordre public et la stabilité des institutions ? C’est ce que le nouveau gouvernement paraît comprendre ; il a pris, devant la dernière assemblée, l’heureuse initiative d’un projet de loi autorisant sur de larges bases l’aliénation du domaine public. Cette réforme en entraînera inévitablement une autre portant sur le mode de prélèvement de l’impôt foncier. Le fisc prélève encore la dîme en nature ; ce système, contre lequel les représentons des puissances étrangères se sont constamment élevés[2], entraîne d’incalculables abus :

  1. Les terres appartenant à l’état ne peuvent s’affermer que d’année en année. Avec ce système, il est évident qu’aucun agriculteur ne risque, pour un bail aussi court, les frais de plantations et de constructions nécessaires pour l’amélioration du sol et pour une mise en rapport sérieuse.
  2. La commission financière insistait sur l’urgence pour la Grèce d’une réforme radicale de l’impôt foncier et sur la nécessité d’écarter de sa législation le principe du prélèvement de la dime en nature, qui favorise les fraudes et la négligence des contribuables, en même temps que les infidélités des collecteurs de la dîme abandonnés à eux-mêmes, et qui nuit ainsi d’une façon irrémédiable à la rentrée régulière des revenus de l’état. Cette commission constatait que pendant deux années seulement (1856 et 1857) les pertes causées au trésor hellénique par ce mode vicieux de perception s’étaient élevées à plus de 2 millions sur un seul produit, le raisin de Corinthe. Le rapporteur de la commission se plaît du reste à reconnaître qu’à l’exception des lois sur l’impôt et sur le mode de perception, ce ne sont pas les bonnes lois qui manquent à la Grèce, mais les hommes pour les exécuter.