Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/927

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas un pauvre Dieu (ού γάρ πτωΧεύει θεύς) que celui qui t’a fait dieu à sa gloire. »


Ainsi se termine le livre d’Hippolyte, et je ne vois pas du tout pourquoi on a voulu que la fin réelle nous manquât. Que reste-t-il à promettre à l’homme devenu dieu ? On a pu remarquer, en parcourant cette profession de foi, qu’Hippolyte partage pleinement le point de vue orthodoxe pur d’après lequel il ne suffit pas pour le salut de réunir les dispositions du cœur auxquelles l’Évangile le promet, qu’il faut avant tout connaître la vérité dogmatique. Malheur à vous, si vous comprenez autrement qu’Hippolyte la vérité religieuse ! Vous n’avez pas d’autre perspective que le Tartare et son étang de feu. C’est au point qu’il n’envisage pas même la possibilité, pourtant démontrée par les faits, d’une vie sainte et pure associée en toute bonne foi à des erreurs théologiques. Cela se voit pourtant dans le monde.

C’est un argument bien dangereux que celui-là : « où tu seras orthodoxe, ou tu seras damné ! » Même abstraction faite de sa valeur logique, qui est mince, il faut toujours craindre, quand on est orthodoxe aujourd’hui, d’être hérétique demain. Ne parlons pas de tout ce qui, au point de vue de l’orthodoxie ultérieure, manquerait à la profession d’Hippolyte pour la mettre à l’abri de l’index. Bornons-nous à ses affirmations. On l’eût bien étonné, si on lui eût dit que cent ans après lui, aux yeux même de ses continuateurs, des idées pareilles aux siennes devaient mener droit en enfer ceux qui auraient l’impiété de les partager. Comment donc ! Un Verbe né dans le temps, inférieur au Père, simple exécuteur de ses ordres !… Mais dès le IVe siècle il n’en fallait pas tant pour faire bondir d’indignation un disciple d’Athanase, et si la prescription de la vénération populaire n’eût protégé son nom, Hippolyte eût été certainement rejoindre Calliste et Sabellius, Arius et Paul de Samosate, tous les hérésiarques passés et futurs, dans ces lieux terribles que chaque intolérance a successivement peuplés de tous ceux qui lui déplaisaient. A chaque pas de nos études sur l’antiquité chrétienne, nous retrouvons donc des preuves nouvelles de la fauté à jamais déplorable que commit l’église chrétienne du IIe siècle, lorsqu’elle donna au dogme, à l’expression intellectuelle de la vérité, une pareille prépondérance. Le temps, avec son inexorable logique, dissout l’un après l’autre les dogmes les plus résistans en apparence. Il n’y a que le christianisme intérieur, celui du cœur aimant Dieu, de la conscience vivifiée par l’exemple et l’esprit du Christ, il n’y a que ce christianisme qui défie le pouvoir dissolvant de la durée, et, disons-le à la gloire de Jésus, c’est bien là aussi qu’il a placé le centre de gravité de sa religion éternelle