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fâcheux que les femmes ne pèsent pas à leur tour des cerveaux, peut-être verrions-nous alors les rôles renversés. Au reste l’opinion qui attribue à l’homme plus de cerveau qu’à la femme est très ancienne, et on la trouve, dit-on, dans Aristote ; mais tous les physiologistes n’ont pas été de cet avis. Meckel prétend que, relativement aux nerfs et au corps entier, c’est chez la femme que l’on trouve le cerveau le plus volumineux. M. Cruveilhier soutient, de son côté, que le cerveau est indépendant du sexe. M. Parchappe au contraire affirme « que l’encéphale de la femme est plus petit que celui de l’homme, sans être sensiblement plus grand par rapport à la masse du corps : il ne compense donc pas son infériorité absolue par une supériorité relative. » Enfin Gratiolet n’a pas une opinion particulière sur ce sujet ; seulement il hésite à se prononcer sur la question d’inégalité intellectuelle, et pour lui la diversité des fonctions n’entraîne pas nécessairement l’idée d’une infériorité absolue.

Vient ensuite la comparaison des différentes races humaines. Ici il n’est plus guère possible de peser directement des cerveaux, car on n’a pas facilement à sa disposition un cerveau de Chinois, de nègre ou de Hottentot ; mais à défaut de cerveaux on a des crânes, et au lieu de peser les uns, on prend la mesure des autres[1]. Seulement c’est là une méthode bien inférieure à la précédente pour l’exactitude et la précision, plus loin encore du résultat qu’on veut obtenir. Gratiolet juge cette méthode avec une extrême sévérité. « D’autres, disait-il, emplissent des crânes de millet desséché qu’ils pèsent ensuite, et, comparant les poids obtenus, ils s’imaginent avoir découvert la mesure de la capacité intellectuelle des différentes races. Pauvres gens qui, s’ils le pouvaient, pèseraient dans leurs balances Paris et Londres, Vienne et Constantinople, Pétersbourg et Berlin, et d’une égalité de poids, si elle existait, concluraient à la similitude des langues, des caractères, des industries ! »

Cette méthode si défectueuse paraît cependant avoir fourni quelques résultats importans, et M. le docteur Broca affirme que le degré de capacité des crânes correspond au degré d’intelligence des différentes races. Ainsi tous les auteurs ont trouvé la tête plus grosse chez les caucasiques que chez les Mongols, chez les Mongols que chez les nègres, chez les nègres d’Afrique que chez ceux d’Océanie.

  1. On a trois méthodes pour mesurer la capacité des crânes : la première consiste à les remplir de grains de millet, et à peser la masse de grains que chacun peut contenir ; la seconde consiste a introduire de l’eau dans le crâne soigneusement bouché, et à peser également l’eau. Ces deux méthodes sont très inexactes. La troisième, qui est la méthode Morton, d’après le nom du naturaliste américain qui s’en est servi le premier consiste à remplir le crâne de petit plomb de chasse à grains parfaitement égaux ; on vide ensuite le plomb dans un cylindre gradué qui donne la mesure cherchée. Suivant M. Broca, ce procédé est d’une exactitude très suffisante.