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serait point rendu entièrement maître du grand fleuve ; mais le jour aussi où les positions stratégiques du Mississipi furent au pouvoir des fédéraux, où il vit qu’il était impossible de les leur reprendre, M. Jefferson Davis eût dû sentir que le destin de la guerre était arrêté ; que la continuation de la lutte ne conduisait qu’à une inhumaine et stupide effusion de sang, et que les confédérés ne devaient se servir de ce qui leur restait de force et de prestige que pour obtenir leur rentrée dans l’Union américaine à des conditions équitables et raisonnables. Ce fut un mauvais sentiment que de vouloir déchirer en deux cette grande république ; ce fut une faute de jugement de ne pas s’arrêter le jour où l’impossibilité du succès de cette tentative fut démontrée. Voila les erreurs et les fautes que M. Jefferson Davis expie aujourd’hui si cruellement. Nous pensons que les États-Unis vainqueurs sont assez vengés contre le chef de la rébellion par la façon sévère dont les événemens l’ont forcé à reconnaître ses torts. Nous persistons plus que jamais à espérer que l’Union américaine n’imposera pas au grand rebelle d’autre peine que celle que lui a infligée déjà l’avortement de son orgueilleuse entreprise. Les faits ont prouvé jusqu’à présent que nous ne nous sommes point trompés en annonçant depuis longtemps que les États-Unis vainqueurs étonneraient le monde par leur clémence. On voit que presque tous les chefs de la rébellion ont été amnistiés ; M. Davis est à l’abri du sort que l’on avait redouté pour lui. Les hommes les plus influens et les plus écoutés du parti radical préparent noblement l’opinion à la générosité. Nous croyons devoir signaler surtout une publication de M. Ward Beecher sur la punition des rebelles, qui est un plaidoyer aussi éloquent qu’habile contre ceux qui voudraient traîner M. Davis au supplice. M. Beecher a eu l’heureuse pensée d’inviter ses concitoyens à la clémence au nom de la gratitude qu’ils doivent aux amis que les États-Unis n’ont cessé de compter parmi les libéraux de l’Europe. M. Beecher ne s’est point trompé, et l’Europe libérale sera à son tour reconnaissante envers les États-Unis, si ceux-ci, ne perdant pas de vue les intérêts de la cause que leur république représente dans le monde, évitent d’obscurcir le triomphe de cette cause par de froides vengeances et d’inutiles cruautés.

E. FORCADE.


Tous les ans, à cette bienheureuse époque de dispersion et de repos, l’Académie française distribue prix et couronnes tout comme l’Université, tout comme la plus humble école de village. C’est la fertile et riante saison : tous les lauriers sont coupés à la fois et distribués d’une main libérale à tous les degrés, au travail, au zèle et à la bonne volonté, à l’enfant et à l’esprit mûri dans l’étude, aux héros obscurs de la vie pratique et à ces autres héros de la vie intellectuelle que l’Académie sait toujours découvrir, à ceux qui les méritent et à ceux qui ne les méritent pas. Hélas ! c’est une grave question de savoir ce que peuvent réellement les récom-