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on pourrait se croire dans quelque vallée des Alpes, si des coulées de lave, toutes jaunes de lichens, ne se montraient çà et là au milieu de la verdure.

Sur la face occidentale, le volcan se révèle au contraire dans toute l’horreur de ses éruptions. La montagne, semblable à un dôme énorme surmonté d’une pyramide, n’offre dans toute sa hauteur que couloirs de neige, talus de cendres et traînées de scories. De nombreux cônes de débris, ayant une élévation de 2 à 400 mètres, environnent la base de ce dôme, et marquent les crevasses d’où jaillirent autrefois les courans de lave. La plupart de ces coulées sont modernes et brillent encore d’un éclat métallique comme autant de fleuves de fer arrêtés sur les pentes. Hérissant de leurs masses rugueuses les flancs de l’Etna, elles descendent en longues murailles parallèles ou faiblement divergentes, et laissent à peine entre leurs rangées d’étroites bandes de terrain où la vigne et le figuier croissent sur les scories plus anciennes. Deux de ces cheires, suspendues pour ainsi dire au-dessus des maisons, enserrent la ville de Bronte, comme si elles voulaient la dévorer, et l’avertissent du sort qui lui est sans doute réservé dans l’avenir. D’autres coulées récentes, après avoir gagné la base de la montagne, ont barré le cours du Simeto et se sont accumulées contre les pentes opposées des montagnes neptuniennes : de là ces magnifiques défilés, le Salto del Pecoraro, le Salto del Pulicello, et d’autres encore que le fleuve a dû se creuser par voie d’érosion dans les murs compactes de rochers qui l’arrêtaient au passage.

Le versant méridional de l’Etna est d’un aspect moins formidable que celui de l’ouest. L’inclinaison générale de la montagne est beaucoup plus douce et se recourbe gracieusement à la base ; les nombreux cônes d’éruption, parmi lesquels les célèbres Monti-Rossi, source de la grande éruption de 1669, frappent surtout le regard, sont plus variés de forme et de groupement, les campagnes cultivées entre les divers courans de lave sont plus riches et plus étendues ; enfin la vue de la mer et celle de la grande plaine de Catane, qui s’étend au loin vers le sud, donnent plus d’ampleur et de grâce à l’ensemble du paysage : on ne se sent plus écrasé, comme on l’était dans les gorges de Bronte et d’Adernò, par la masse gigantesque de l’Etna.

Néanmoins, tout admirable qu’est la vue de la montagne, contemplée de la plaine de Catane, c’est bien de la mer qui baigne les promontoires basaltiques de la base orientale que le volcan apparaît sous son aspect le plus majestueux. Les falaises, hautes de plus de 100 mètres, sont composées de couches alternantes de scories rouges et de laves d’un noir-bleu aux anfractuosités desquelles se