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cramponnent les racines des cactus et s’attachent les vrilles des plantes grimpantes ; au-dessus s’étend la plaine ondulée, immense verger rempli de villes et de villages aux nombreuses coupoles ; plus haut, les vignes, les oliviers et les châtaigneraies revêtent les courans de lave arrêtés sur les déclivités et les grands cônes d’éruption disposés en forme de cordon circulaire à la base du dôme. La masse suprême de l’Etna, vers laquelle le regard est irrésistiblement attiré, n’offre point de végétation sur ses pentes. Elle est nue, et le seul contraste de couleurs est celui qu’y produisent pendant la plus grande partie de l’année les neiges descendues en avalanches sur les talus de cendres ; mais l’ensemble de la montagne, bleui par l’éloignement, n’en est pas moins d’une indicible harmonie : le dôme qui porte le cône terminal, couronné de fumée, s’appuie des deux côtés et à la même hauteur sur deux contre-forts ayant la forme de pyramides émoussées et projetant vers la plaine, comme de gigantesques bras, les murailles parallèles de rochers qui enserrent le grand précipice connu sous le nom de val del Bove. On ne peut s’empêcher de contempler le volcan comme s’il était un être doué d’une vie individuelle et jouissant de la conscience de sa force. Les traits de l’Etna, si réguliers et si nobles dans leur repos, ont quelque chose de la figure d’un dieu endormi : ce n’est point là, ainsi que le disait la légende antique, la montagne qui pèse sur le corps d’Encelade, c’est le Titan lui-même, l’ancienne divinité protectrice des Sicules, délaissée pour les dieux plus jeunes de la Grèce, les maîtres de l’Olympe.

En gravissant directement jusqu’à mi-hauteur le versant oriental du mont Etna, on atteint en un petit nombre d’heures, au-dessus du village de Zaffarana, le sommet de quelque escarpement, d’où l’on voit s’ouvrir à ses pieds le grand cirque du val del Bove, devenu classique par les recherches de M. Lyell et de tant d’autres géologues. Du haut de l’observatoire où l’on se trouve, le regard plonge au cœur même de la montagne. Au nord et au sud, les parois de l’enceinte elliptique se dressent à plusieurs centaines de mètres de hauteur, tandis qu’à l’est elles sont formées par la masse même de l’Etna et se terminent au cône suprême du volcan. Des traînées de neige et des courans de lave, qui semblent complètement noirs à cause du contraste, alternent sur le pourtour du cirque et viennent se perdre, suivant les saisons, dans les névés ou dans les champs de scories qui remplissent toute la largeur du val : çà et là des murs saillans ou dykes, comparables aux contre-forts des édifices du moyen âgé, sortent de l’épaisseur des escarpemens et donnent à l’ensemble des remparts la vague apparence d’un monument de colossale architecture. Lorsque les neiges sont fondues, tout l’es-