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les salles ou faisaient le service des tables. Sur les bancs de la classe seulement, ils redevenaient les condisciples de ceux dont ils avaient nettoyé les habits, et souvent prenaient leur revanche en les battant aux examens. Singulier mélange d’humbles fonctions et d’honneurs académiques ! Nous en avons eu des exemples, et il suffit de citer Ramus, qui ne devint professeur au collège de Presles qu’après avoir été garçon de peine au collège de Navarre.

Ces coutumes ont cédé à l’action du temps ; les écoles de grammaire elles-mêmes ont peu à peu subi des changemens assez profonds. Les fortunes ont été diverses, et la clientèle a varié au gré de la fortune. Le hasard y a beaucoup fait. Parmi les dotations d’origine, les unes étaient en biens-fonds, les autres en numéraire ; cette différence, insignifiante au moment du premier établissement, est devenue décisive dans le cours des siècles par suite de la variation des valeurs. Celles d’entre ces écoles dont les moyens d’existence reposaient sur des placemens immobiliers ont vu d’année en année leurs revenus s’accroître dans une proportion qui dépassait l’augmentation du prix des choses ; elles sont aujourd’hui dans l’opulence. Celles au contraire dont les rentes étaient en argent ou en titres mobiliers ont vu leurs ressources décroître d’une manière irrésistible ; le mouvement des valeurs a constamment tourné à leur détriment : avec un revenu fixe, elles avaient à pourvoir à des dépenses qui grandissaient. Elles sont dans une situation précaire. Ainsi, d’un même point de départ, les unes ont abouti à la déchéance, les autres à la prospérité ; toutes ont changé de destination. Ce ne sont plus des écoles préparatoires pour le clergé ; l’aristocratie nobiliaire et financière a envahi les plus florissantes, et par le fait de cette adoption en a écarté les familles qui sont obligées de regarder de plus près à la dépense. Telles sont les écoles d’Eton, de Harrow, de Rugby, de Winchester, dans lesquelles les rangs sont peu mêlés, et qui ne s’ouvrent guère qu’à la naissance ou à la richesse. Tout y est sur un pied qui exclut les petites situations. Au-dessous, il est vrai, le choix ne manque pas. Il y a, dans beaucoup d’autres comtés, de ces anciennes écoles de grammaire, à Bristol, à Exeter, à Coventry ; Londres en compte plusieurs. Quelle qu’ait été leur destinée, presque toutes sont restées fidèles jusqu’à l’obstination à l’esprit dans lequel elles ont été fondées. Leurs statuts les obligent à former des humanistes ; elles n’y dérogent pas. Ni les engouemens, ni les caprices de l’opinion n’ont pu les détourner de cette voie ; elles ont fait à l’enseignement des sciences la part qui convient, une part subordonnée et calculée de manière à ne pas nuire à la force des grandes études. Eton, qui reçoit la fleur de la noblesse, paie en ceci d’exemple ; elle en est