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ne dépasse pas la résolution des équations du second degré ; quelques sujets plus intelligens ou plus favorisés passent alors au binôme de Newton, puis au calcul différentiel. Les traités d’algèbre en usage sont très complets ; comme pour les lettres, ce sont des text books remarquables par le nombre et la variété des exercices pratiques. Le maître n’intervenant que pour éclaircir le livre, celui-ci doit suffire à tout. Cependant la grande affaire pour les Anglais n’est ni l’algèbre, ni la géométrie ; c’est l’arithmétique, et on dirait qu’ils se sont ingéniés pour en compliquer l’usage. Le système des poids et mesures varie de province à province ; on n’en compte pas moins de dix employés concurremment, et qui n’ont pour base ni la numération décimale, ni aucune numération régulière. Dans une enquête faite récemment, il a été calculé que ces complications allongent de deux ou trois ans le temps nécessaire pour cette étude spéciale. C’est pourtant le gagne-pain de milliers de jeunes gens qui se destinent au commerce, et, coûte que coûte, il faut s’en munir. On peut dire que, telle qu’elle est enseignée, l’arithmétique n’est en Angleterre qu’un ensemble de procédés de calcul. Les opérations restent des énigmes pour les élèves et bien souvent pour les maîtres. « Il semble, dit M. Motheré, qu’elles s’exécutent selon des règles jadis trouvées par des raisonnemens qu’on n’a plus intérêt à connaître. » Voilà où en sont les sciences mathématiques dans la plupart des écoles anglaises. En géométrie, on n’enseigne que la théorie, et en arithmétique que le calcul ; en algèbre, la théorie n’est pas exclue, mais on s’y appesantit peu ; l’élève l’a entrevue plutôt qu’il ne la possède. Il est permis de se demander si c’est là présenter à l’esprit les objets dans leurs rapports vrais, et s’il est bien régulier d’enseigner les sciences mathématiques, les unes comme des théories qui ne conduisent pas aux applications, les autres comme des procédés pratiques qui ne s’appuient sur aucun principe.

Pour les sciences d’observation, il n’y a guère de cours réguliers et distincts, si ce n’est dans les grandes écoles ; ils sont nuls dans celles d’un moindre rang, ou n’y ont qu’une périodicité illusoire. Les amalgames les plus étranges se rencontrent dans la matière des leçons. Dans certains cas, on enseigne simultanément des principes de physique et des faits de chimie en présentant les uns et les autres à mesure qu’ils peuvent servir à s’expliquer mutuellement. La physique elle-même n’est pas acceptée comme corps de science ; on traite à part les forces sommaires de la nature, l’électricité, le magnétisme, la chaleur, et en réalité il n’y a pas dans la langue anglaise un mot qui corresponde à notre mot de physique. Il y a des phénomènes, il n’y a point de science des phénomènes. Ce