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renoncé dès son ordination aux pratiques du sacerdoce, et Vincentius, plus moine que prêtre, en déclinant l’honneur par humilité. Le dimanche, toutes les communautés se rendaient à l’église, une des anciennes en tête, et revenaient dans le même ordre ; l’église dépendait de l’évêque de Jérusalem et était desservie par des prêtres de son clergé. Au retour, on distribuait les ouvrages de la semaine. Les sœurs faisaient tout elles-mêmes, y compris leurs vêtemens, qui étaient d’étoffe et de couleur uniformes. Toute communication avec le dehors était interdite. Paula, naturellement si pleine de mansuétude, employait parfois la menace et la rigueur dans les corrections, pensant qu’il n’y a pas de règle inflexible et qu’il faut approprier au caractère de chacun les moyens d’amendement. L’apôtre Paul disait : « Qu’ai-je à faire vis-à-vis de vous ? Vous reprendrai-je avec sévérité ou avec douceur ? Choisissez d’après votre inclination. » Telle fut la pratique de Paula. Elle ne souffrait pas que ses religieuses eussent rien en propre, excepté leurs vêtemens et leur nourriture. Elle savait que la dernière passion qui persiste dans les cloîtres est l’avarice ; elle en avait vu de tristes exemples, soit à Rome, soit en Égypte, et se rappelait cet acte d’un saint abbé faisant jeter dans la fosse, avec le cadavre d’un de ses moines, un trésor trouvé chez lui. « Ne les séparons pas, avait-il dit, car ceci était son âme ! » Point de contestation, point de querelle parmi les sœurs : Paula accourait au premier signe de dissentiment ; elle jugeait, rapprochait ou condamnait. Elle appliquait le jeûne aux besoins de l’âme comme à ceux du corps. « Ayez plutôt, disait-elle à ses religieuses, l’estomac malade que le cœur malhonnête. » Ennemie de la recherche des vêtemens, elle détestait encore plus la négligence et la malpropreté : un extérieur mal réglé dénotait, suivant elle, quelque vice et quelque corruption intérieure. Les caquets, les bavardages l’impatientaient, ainsi que la mauvaise humeur et les chicanes. C’étaient à ses yeux des défauts nuisibles à l’ordre et qu’il fallait réprimer. Le larcin lui faisait autant d’horreur que le sacrilège, et le détournement de quelque bagatelle parmi les sœurs passait dans la communauté pour un crime presque irrémissible.

Tel était le régime des couvens de Paula. Le monastère d’hommes soumis à Jérôme nous apparaît moins comme une maison d’ascétisme monacal que comme une retraite de savans, venus de toutes les parties du monde retremper leur esprit, en même temps que leur âme, dans une pieuse solitude, auprès de la crèche du Sauveur. Quant à l’hospice destiné à l’hébergement des étrangers, il regorgeait continuellement de visiteurs et de pèlerins, hommes et femmes, et malgré la douce inspiration des fondateurs, Joseph et Marie, s’ils s’étaient présentés, auraient bien pu n’y pas trouver de place. Chacun y était reçu, à quelque nation, à quelque rang qu’il