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REVUE MUSICALE



mendelssohn et ses œuvres

Si les meilleures compositions d’un maître sont celles où l’indépendance de son génie se manifeste davantage, les ouvertures de Mendelssohn doivent figurer en tête de son œuvre, et au premier rang parmi ses ouvertures le Songe d’une Nuit d’été et la Grotte de Fingal. Dans la voie de l’oratorio, des psaumes et autres inspirations sacrées, Bach et Haendel l’ont précédé ; ses morceaux de piano, ses lieder portent l’empreinte d’un talent rare, mais ses ouvertures sont vraiment une chose à part. Jamais le pittoresque en musique n’avait encore atteint à ce degré. Mendelssohn ne se contente pas de peindre des sentimens ; il fait des paysages, des marines. Tel adagio n’est point simplement une méditation poétique en présence de l’immensité, mais une sorte de tableau de la vaste plaine liquide qu’il parcourt moins en héros de roman moderne, à la façon de Child-Harold, pour promener sa rêverie et se donner une occasion de s’analyser lui-même, qu’en spectateur désintéressé s’efforçant de rendre ce qu’il contemple : όρόων έπί οϊνοπα πόντον. J’en dirai autant de ce scherzo du Songe d’une Nuit d’été, musique délicieuse, orchestre dont la trame semble tissée avec les rayons de la lune et des étoiles. Et quelle richesse de détails ! quel art incomparable des nuances ! que de perles, de saphirs, de gouttes de rosée sur chaque point de cette frêle et vaporeuse contexture ! Tout le monde a remarqué combien la musique prédispose l’âme au merveilleux et réussit à le rendre en quelque sorte vraisemblable. Endormir la froide raison, éveiller la fantaisie, lui sont des privilèges familiers. Quand Shakspeare, qui devina tout, appelait la musique à son aide, il savait bien ce