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la dette flottante, et en définitive par des émissions de rentes perpétuelles. Pour voir et sentir le vice et le péril d’une telle méthode, on n’a pas besoin d’évoquer la perspective et de prononcer le vilain mot d’une banqueroute possible ; on n’a pas même besoin de s’attarder à une discussion chicanière de la valeur de tel ou tel des expédiens mis en avant. Il est incontestable que cette méthode donne à nos finances une mauvaise tenue, une fâcheuse attitude, et que cette mauvaise attitude financière place le crédit public dans un état de malaise et de souffrance. C’est là un mal actuel, immédiat, pressant, et il est surprenant qu’on n’en mesure point avec plus de prévoyance et de sollicitude les regrettables effets. Le crédit, c’est la confiance. En matière de crédit public, la confiance qu’il faut inspirer, c’est que le revenu régulier de l’état sera supérieur à ses dépenses, c’est que rien dans l’équilibre du budget n’aura été livré au hasard, c’est qu’on n’est point exposé à la nécessité prochaine d’un emprunt. Quand les capitaux ont cette confiance, le prix des fonds publics s’élève, et avec la hausse des fonds publics, étalon naturel de la richesse générale, la fortune de tous semble s’accroître, un sentiment de bien-être se répand dans la société, l’esprit d’entreprise s’applique avec élan et courage à ses œuvres fécondes. Quand cette confiance fait défaut, les fonds publics sont condamnés à une dépréciation continue : on dirait que le capital national est miné par une lente déperdition, on se décourage, on s’inquiète, un lourd marasme paralyse les forces industrielles du pays. La solidarité la plus étroite règne entre la situation du budget de l’état et le crédit public, entre le crédit public et le mouvement de la richesse générale. Qui pourrait être plus pénétré de cette vérité qu’un gouvernement éclairé de notre époque, qui la touche et la sent pour ainsi dire par tous ses organes ? Devant une vérité semblable, le devoir le plus impérieux et le plus pressant d’un gouvernement n’est-il point de placer l’équilibre de son budget au-dessus de tous les hasards, de tous les doutes, de toutes les critiques, de toutes les défiances ?

Voilà la démonstration éclatante qui est sortie de la discussion de la question financière. Cette démonstration a produit une impression profonde sur l’opinion publique. Il est évident que l’opinion a pris décidément à cœur la question financière, et qu’elle ne sera pas facilement détournée de cet intérêt vital. Le corps législatif, nous n’en doutons point, est au fond très ému de l’état de nos budgets. Le corps législatif est sorti presque tout entier d’un système pour lequel nous n’avons aucune sympathie, le système des candidatures officielles et du patronage administratif. Nous ne serons que justes cependant, si, tout en regrettant que les idées libérales ne soient point en faveur auprès des membres de cette chambre qui ont été candidats officiels pour devenir députés, nous reconnaissons qu’il y a au sein de la majorité un certain fonds de bon sens et de bon vouloir qui peut profiter à nos progrès politiques. La chambre n’est pas très tolérante pour l’opposition, elle est très dévouée au pouvoir et a pour lui les