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ménagemens les plus attentifs, elle n’apporte dans l’accomplissement de sa mission de contrôle ni hardiesse téméraire ni fermeté chagrine ; pourtant on y peut remarquer le goût de la correction dans la conduite des affaires, et parfois le désir que les choses pussent mieux aller. Quels qu’en aient été l’origine et le procédé de formation, toute assemblée est peuple, comme disait ce fier connaisseur le cardinal de Retz, et sensible par conséquent à la contagion de l’opinion publique. Puis la majorité de 1852 a pris de l’âge, comme tout le monde ; elle est sortie de la période, de l’optimisme enthousiaste et des illusions héroïques, et elle aurait le droit de dire avec Burke : « La confiance est une plante qui croit difficilement dans les cœurs vieillis. » Si elle ne l’avoue pas encore tout haut, on peut être sûr que la chambre est gênée et contrariée des conditions précaires de nos budgets. Elle n’est point prête sans doute à faire l’acte de fermeté que lui conseillait virilement M. Thiers ; mais on ne se tromperait pas sur ses véritables sentimens, si l’on supposait qu’elle serait très heureuse que le gouvernement sût profiter des critiques de l’orateur de l’opposition et vînt nous apporter l’an prochain un budget qui se tînt bien debout sur ses deux jambes. La majorité a révélé ces dispositions par plusieurs symptômes : elle a repoussé le projet de construction d’un nouvel hôtel des postes. Imposer au gouvernement une réduction de dépenses de 6 millions pour cette année, n’est-ce point une façon de lui conseiller de réaliser des économies plus importantes pour l’avenir ? Il y a dans les rangs intermédiaires de la chambre des hommes vraiment sérieux et distingués, MM. Segris, Lepelletier d’Aulnay, Chevandier de Valdrôme par exemple, qui sont des partisans efficaces de l’économie et de la correction financières. Les discours, les votes ou même le silence désapprobateur d’hommes de ce tempérament sont des signes du temps auxquels les gouvernemens doivent prendre garde.

Au point de vue pratique, la question maintenant la plus intéressante serait de savoir quelle influence les dernières discussions financières auront sur le gouvernement lui-même. Quoique le gouvernement ait eu, comme il était naturel, le succès des votes dans l’affaire des budgets, la discussion lui a donné des avertissemens qu’il ne saurait oublier, et en pareille matière ce qui fait événement, ce qui survit et subsiste dans les esprits, ce qui porte sur l’avenir, c’est bien plus la discussion que les votes. Il nous semble que le gouvernement a fait dans ce débat des expériences qu’il doit avoir à cœur de ne plus renouveler. Par exemple, n’est-ce point une controverse pénible que celle qui s’est élevée à propos des 22 millions pris à la caisse de la dotation de l’armée sous prétexte de faire rembourser à l’état les sommes qu’il aurait avancées pour les pensions de retraite des corps non recrutés par l’appel ? L’état, dans cette circonstance, a opéré de la façon la plus insolite, la moins conforme à nos bonnes traditions et à l’esprit de nos lois. La caisse de la dotation de l’armée se trouvant beaucoup plus riche qu’on ne l’avait prévu à l’origine, on