Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 58.djvu/354

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cembre à sir A. Malet « que le moins que l’Allemagne puisse accepter en tout cas, ce serait le Holstein, le Lauenbourg et la partie méridionale du Slesvig ; son excellence penchait même pour l’annexion de ce troisième duché en entier. » Les états secondaires de la confédération germanique avaient décidément épousé la cause du jeune et chevaleresque prétendant ; ils demandaient sa reconnaissance immédiate par la diète de Francfort, et poussaient de toute leur force à « l’œuvre nationale » de la Baltique. Du reste, cette œuvre, ils auraient bien mieux aimé la voir protégée par l’empereur d’Autriche que par M. de Bismark, et le duc de Cobourg, l’ancien, mais désabusé zélateur de « l’hégémonie » prussienne, envoyait au commencement de décembre 1863 son confident intime, M. de Loewenfels, avec une lettre autographe à Vienne, pour supplier François-Joseph « de ne pas faire obstacle à un mouvement devenu irrésistible et de se placer lui-même à la tête du parti populaire en Allemagne[1]. » Une politique aussi hasardeuse convenait bien peu, il est vrai, aux sentimens et aux traditions de la vieille maison des Habsbourg, et de tous les gouvernemens germaniques (en exceptant peut-être le Hanovre), celui de l’Autriche se montra sans contredit le moins épris de la grande cause des duchés, le plus désireux de trouver une issue pacifique quelconque à un débat qui ne laissait pas de lui inspirer de graves appréhensions. C’était déjà, au gré de certains et loyaux personnages de la cour, un fâcheux inconvénient de cette question du Slesvig de présenter une analogie si embarrassante avec la question hongroise, — le point vulnérable de l’empire « régénéré » par la patente de M. Schmerling du 26 février 1861. Il fallait bien s’avouer que si le rigsraad unitaire de M. Hall menaçait « d’une manière criminelle, » au dire des Allemands, la prétendue « autonomie » du Slesvig, le reichsrath unitaire de M. Schmerling faisait, lui, bien autrement violence à la plus légitime des autonomies historiques, à cette antique constitution hongroise que le peuple magyar défendait précisément alors avec une persévérante et un sens de légalité admirables contre la patente impériale du 26 février. En dehors de cette considération tout intime, mais qui ne manquait pas de poids dans certains cercles de la Burg, il y avait bien d’autres raisons encore pour mettre l’Autriche en garde contre les entraînemens des états secondaires. Pour un gouvernement qui faisait toujours profession de respecter scrupuleusement les engagemens internationaux, il était plus que gênant, il était presque impossible de répudier un pacte aussi solennel, aussi européen que le traité de Londres, de le répudier surtout à un moment où la France venait de consterner les cabinets

  1. Dépêche de lord Bloomfield du 3 décembre 1863.