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après l’autre chacun des divers essais que faisait le Danemark depuis tantôt vingt ans pour organiser ses états (la patente de 1846, la constitution de 1849, la constitution commune de 1855, la suspension de cette constitution commune pour le Holstein en 1858, la patente du 30 mars 1863, la constitution de novembre 1863), se gardait bien cependant de préciser un plan quelconque pour un établissement comme elle l’entendait, et disait toujours que c’était aux Danois de faire des propositions ! « Les gouvernemens d’Autriche et de Prusse, écrivait sir A. Buchanan le 14 décembre (le lendemain du départ de lord Wodehouse pour Copenhague), continuent de la sorte la vieille politique de la diète de Francfort, dont le Danemark s’est tant de fois plaint : ils énoncent seulement ce à quoi ils s’opposent, mais ils refusent positivement de donner la moindre indication sur la nature d’un arrangement qui pourrait enfin leur agréer… » Sir A. Buchanan ne put même obtenir du président du conseil prussien la promesse de ne pas envahir le Slesvig alors que le gouvernement de Copenhague se déclarerait prêt à abroger la constitution. « M. de Bismark répliqua, mandait le ministre anglais le 31 décembre, qu’il ne pouvait donner de promesse positive pour l’avenir sans la sanction du roi, et qu’il ne pouvait non plus soumettre à la sanction du roi une pensée arrêtée. dans une question qui subissait journellement le contre-coup d’incidens multiples et échappant à tout contrôle ! . » Notons aussi au passage cette intervention soudaine du nom du roi dans les pourparlers de Berlin. A la « pression » dont M. de Bismark se disait toujours victime de la part des états secondaires et des révolutionnaires allemands vint s’ajouter en effet, surtout vers la fin de décembre, l’animation croissante du monarque lui-même, de Guillaume Ier, que le président du conseil déclarait avoir toutes les peines du monde à maîtriser. D’ailleurs le prince Gortchakov avait déjà depuis plusieurs semaines charitablement prévenu lord Napier que M. de Bismark « contenait le roi de Prusse, qu’un entourage exalté poussait à des mesures plus extrêmes. » Vers l’approche du nouvel an, des bruits divers arrivaient au foreign office, qui présentaient la position de ce ministre comme fortement ébranlée par suite de sa résistance à la fougue patriotique de son souverain, et il y eut un moment où lord Russell dut faire des vœux pour la conservation à son poste de cet étrange a conservateur de la paix[1] ! » Quoi d’étonnant dès lors que M. Hall, dans sa circulaire du 24 décembre, jugeât une collision « inévitable, » que M. Drouyn de

  1. Dépêches de lord Napier (1erdécembre 1863), de lord Loftus (29 décembre 1863) et de sir A. Malet (2 janvier 1864).