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puissances « devraient au moins se donner la consolation de n’avoir rien négligé pour détourner un malheur, » il eut beau même s’écrier : « Ce n’est pas en nous croisant les bras que nous empêcherons la guerre d’éclater ! » le ministre de France ne se laissa pas persuader. Il voulut, dans tous les cas, attendre l’arrivée des notes du Danemark, qui devaient déjà être en route.

Il s’en faut néanmoins que M. Drouyn de Lhuys se fût entièrement « croisé les bras, » et pendant que le comte Cowley s’efforçait en vain de faire sortir le cabinet des Tuileries de sa désespérante inertie, l’agent britannique près la cour du Hanovre, M. Howard, signalait au foreign office le 9 janvier l’existence d’une circulaire française qui traitait du projet de conférence et tranchait même à certains égards le fond de la question. La circulaire portait la date du 4 Janvier et était surtout destinée aux états secondaires de l’Allemagne[1]. M. Drouyn de Lhuys y parlait du projet anglais et établissait d’abord la différence qui existait entre une conférence discutant une question spéciale et le congrès général ou restreint dont l’empereur avait conçu la pensée. « Un congrès ayant à régler les intérêts les plus divers eût offert des élémens de transactions qui feront nécessairement défaut, si la délibération demeure circonscrite à un objet isolé. » Toutefois le gouvernement français ne se refuserait pas à la tentative de la Grande-Bretagne ; mais la conférence de Londres de 1852 n’ayant fait qu’une œuvre impuissante, a ainsi que l’état présent des choses le prouve surabondamment, » il serait essentiel, en se réunissant aujourd’hui, « de se placer dans des conditions propres à donner l’espoir d’un résultat plus satisfaisant. » Avant donc de se déclarer définitivement, le cabinet des Tuileries voulait s’assurer « de la manière de voir des états allemands. » Ces états accepteraient-ils le statu quo pour la conférence, et la diète de Francfort consentirait-elle à être représentée au sein d’une telle réunion et à lui déférer sa cause ?

Tout dans ce document, aussi bien que dans les circonstances qui l’accompagnèrent, était de nature à étonner quelque peu, à surprendre bien d’autres gouvernemens encore que celui de l’Angleterre. On ne saurait peut-être faire un reproche au cabinet des Tuileries de n’avoir pas communiqué sa circulaire à lord Cowley (le comte Russell n’a pas péché par un excès d’égards envers la France en cette année 1863), il est également inutile de demander s’il n’y avait pas une légère contradiction entre le langage tenu devant l’ambassadeur anglais sur les inconvéniens de l’admission

  1. Elle n’a pas été comprise parmi les pièces diplomatiques que le gouvernement français a présentées au corps législatif sur les affaires des duchés de l’Elbe.